Le nouvel âge des métaux

17 avril 2024
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

D’après le dernier rapport du groupe international d’experts sur les ressources – crée par l’ONU en 2007 pour une gestion plus durable des ressources naturelles – l’extraction de fer, d’aluminium, de cuivre et d’autres métaux non-ferreux a plus que triplé au cours des 50 dernières années. Passant de 2,7 milliards à 9,6 milliards de tonnes extraites par an. Soit l’équivalent d’une piscine olympique toutes les 30 secondes.

Lors de la conférence « Terre(s) rare(s) : Des problématiques en batteries ? » organisée par l’UNamur dans le cadre du Printemps des Sciences, le Pr Johan Yans, chercheur en sciences de la terre, est revenu sur la place croissante qu’occupent les métaux dans nos sociétés modernes, et les différents problèmes que posent actuellement leurs exploitations.

Evolution des extractions des ressources naturelles depuis les années 1970 © Panel international de ressources

Des métaux essentiels aux nouvelles technologies

Le professeur de l’UNamur débute son exposé par la présentation au public d’un caillou noir de quelques centimètres, étonnamment lourd : « Ce morceau de coltan ne valait absolument rien il y a 30 ans », attaque Johan Jans. Or, ce minerai est aujourd’hui extrait aux 4 coins du monde pour le métal qu’il renferme : du tantale. Considéré comme hautement stratégique, on trouve cet élément dans de nombreux appareils électroniques, comme nos smartphones. « Le téléphone portable est un objet géologique à part entière », sourit Johan Jans.  « A côté du tantale, on y retrouve plus d’une cinquantaine de métaux différents, comme le cuivre, l’indium (nécessaire aux écrans), ainsi que plusieurs éléments du groupe des terres rares. »

A l’ère du numérique, les métaux sont devenus des ressources indispensables. Ils jouent par ailleurs un rôle de premier plan dans la transition énergétique et le développement des technologies vertes. « Les batteries des véhicules électriques, par exemple, sont composées de 10% de lithium, de 30% cobalt, de 30% nickel et de 30% de manganèse. Les éoliennes offshores renferment, de leur côté, plusieurs éléments de terres rares, comme du dysprosium, du néodyme, du praséodyme…»

Terres rares – tableau périodique de Mendeleiev – libre de droit

Une concentration des gisements problématique

Nos besoins grandissants pour ces matériaux se confrontent à une série de problèmes d’ordre économique, politique et éthique.

En 2023, la publication d’une liste de 34 matières premières critiques pour l’Union européenne (UE) (à savoir des matières importantes pour son économie et présentant un risque en termes d’approvisionnement) incluait pas moins de 23 métaux, comme le lithium, le tantale, le cobalt, et tous les éléments du groupe des terres rares. « Or, en Europe, il existe très peu d’exploitation de mines de métaux. L’UE est donc fortement dépendante de l’importation de pays tiers », explique le chercheur.

Des pays fournisseurs qui se comptent sur les doigts d’une main : « 33% du tantale et 63% du cobalt qui arrivent en Europe proviennent de la République démocratique du Congo. La Chine fournit, de son côté, 100 % de l’approvisionnement européen en terres rares lourdes. »

« Ces mines sont majoritairement exploitées par de grandes compagnies minières. Mais, selon un rapport de la Banque mondiale, entre 18 à 30% du cobalt dans le monde est fourni par ce qu’on appelle pudiquement « l’extraction minière artisanale », c’est-à-dire celle réalisée par des locaux, incluant des enfants. C’est une estimation, car ces réseaux de production sont particulièrement opaques. »

L’enjeu d’une souveraineté minérale

A défaut de pouvoir se passer de ces ressources, quelles sont les solutions aujourd’hui sur la table ? Afin de réduire sa dépendance envers des fournisseurs étrangers, qui plus est dans un contexte géopolitique incertain, l’UE a annoncé sa volonté de (re)lancer la production minière sur son territoire qui respecterait les normes sociales et environnementales.

Une utilisation plus durable de ces ressources est aussi encouragée, notamment par le recyclage. Mais cela présente des limites : recycler le lithium présent dans les batteries est aujourd’hui encore très compliqué. Idem pour les terres rares qu’on trouve dans les éoliennes en mer. « Certains biens de consommation, dont les smartphones, sont également difficiles à recycler, car on y trouve de nombreux métaux différents, en des quantités variées. »

« Un leader dans le secteur, la société belge Umicore, ne recycle ainsi que 5 métaux présents dans nos téléphones, dont l’or qu’on trouve dans la carte mère. Les autres ne sont pas économiquement rentables à recycler avec les procédés actuels. »

Entrailles d’un smartphone – libre de droit

Repenser l’utilisation de ces ressources

Pour l’heure, la piste la plus intéressante consiste finalement à prolonger le plus possible la durée de vie de ces dispositifs, ce qui inclut leur réparation et/ou leur reconditionnement, ou encore leur réutilisation.

En parallèle, la science tente aussi d’apporter des solutions en cherchant des ressources alternatives. Certains métaux stratégiques pourraient ainsi être remplacés par des éléments plus accessibles ou durables. Citons la substitution du lithium par du sodium dans les batteries, proposée il y a quelques années par le Pr Bao-Lian Su de l’UNamur. Ou encore le projet de nouvelles batteries imaginées par des chercheurs de l’UCLouvain, composées uniquement de carbone, d’oxygène et d’azote.
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