Le château d'Annevoie. Vue du bassin du château vers l'étang des Nénuphars - encre, lavis sépia et blanc de plomb. Anton de Howen, 28 avril 1821 © Collection Fondation SAN

Une étude historique pour aider à restaurer les Jardins d’Annevoie

17 septembre 2020
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min
"Les jardins du château d'Annevoie", par Nathalie de Harlez de Deulin. Editions Société archéologique de Namur. VP : 35 euros
“Les jardins du château d’Annevoie”, par Nathalie de Harlez de Deulin. Editions Société archéologique de Namur. VP : 35 euros

Qui ne connaît pas la féérie de ce lieu de beauté et de sérénité? Dans la perspective de leur restauration, les jardins du château d’Annevoie font l’objet d’une étude historique richement documentée. Celle-ci, dénommée « Les jardins du château d’Annevoie. Histoire et génie hydraulique », est publiée par les Editions Société archéologique de Namur.

 

Charles-Alexis de Montpellier assis au pied d’un arbre en contrebas de la grande cascade ou cascade française – lavis à l’encre. Vers 1877 par Charles de Montpellier © Collection privée

Ateliers métallurgiques et jardins d’eau

Au fil des pages, on y rencontre la famille de Montpellier qui, sur 7 générations, va sculpter et embellir les jardins. L’initiateur de ce projet se dénomme Charles-Alexis. Il sera vite connu sous l’appellation de « Grand Fontainier ». On est en 1754. L’homme dirige des forges métallurgiques, situées en contrebas du domaine. Pour leur fonctionnement, celles-ci requièrent beaucoup d’eau. Via le ruisseau du Rouillon qui le traverse et l’achat de parcelles contenant 3 sources abondantes, le domaine n’en manque pas.

« Parallèlement à la gestion industrieuse des eaux, Charles-Alexis va aménager, en dérivation du ruisseau qui traverse la propriété, un ensemble de jardins d’eau. Il réalisera une succession d’étangs, de bassins, de fontaines, de cascades, de jeux et d’effets d’eau. La composition scénographique des jardins met en avant l’influence italienne, notamment via les cascades de roche comme à Tivoli et à Frascati. Une autre source d’inspiration est le goût champêtre, courant au 18e», explique Nathalie de Harlez de Deulin, historienne des jardins et docteure en Histoire, Art et Archéologie.

Charles-Alexis de Montpellier fut l’architecte et le créateur des jardins hydrauliques d’Annevoie. Il dessina lui-même et fit exécuter le parc et tout le jeu des eaux. En tant que maître de forges, il avait une connaissance empirique des aménagements de sites hydrauliques et disposait de la main-d’œuvre nécessaire pour réaliser les ouvrages et les nivellements, pour capter et conduire les eaux dans des canalisations métalliques forgées dans ses ateliers.

Néanmoins, il faudra attendre jusqu’en 1996, et le TFE d’Alexandra Piérard, une étudiante en architecture, pour avoir un plan complet des réseaux hydrauliques des Jardins d’Annevoie.

 

Le buffet d’eau depuis l’étang du château – huile sur toile. Non signée, non datée © Collection privée

De l’intérêt des sources écrites familiales dans l’étude du patrimoine

En 2000, les archives familiales des Montpellier ont été transférées aux Archives de l’État. Il aura fallu 18 ans pour en publier l’inventaire, lequel contient plus de 3000 numéros. Notamment des écrits et textes anciens et modernes, des iconographies (dessins, peintures, photographies et cartes vues), des documents cartographiques et des plans.

« A travers ces archives, on voit l’arrivée de la famille de Montpellier à Annevoie. On découvre les richesses de cette famille, les capacités qu’elle a développées grâce à son activité industrielle de maître de forges, l’acquisition du statut de cette famille dans la noblesse namuroise au 18e, et son maintien après la Révolution française. Confrontées avec les archives publiques telles que le cadastre, les archives familiales amènent à comprendre la genèse d’un patrimoine », explique Emmanuel Bodart, conservateur des Archives de l’État à Namur.

Et ce, notamment, via les très nombreuses pièces de comptabilité, mettant en lumière les dépenses faites au jour le jour, à la fois pour la vie quotidienne, mais aussi pour le maintien des bâtiments, des fermes, des dépendances ainsi que la création et l’entretien des jardins d’Annevoie.

Cette variété de sources historiques et généalogiques, liées à l’histoire de la propriété et de la famille Montpellier, a permis à Nathalie de Harlez de Deulin de comprendre l’évolution des aménagements au cours des siècles, d’identifier les principaux intervenants (architectes, paysagistes, jardiniers, artisans, etc.) et d’appréhender les particularités architecturales, botaniques et paysagères de la composition.

 

Le grand canal – huile sur toile. Non signée, non datée © Collection privée

Tribulations juridiques et renaissance

Après plus de deux siècles aux mains de la famille de Montpellier, l’ensemble du domaine est acquis en 2000 par l’ASBL Les Amis des jardins d’Annevoie. Des problèmes juridiques surgissent et contraignent l’association à céder l’administration et la gestion du domaine.

« Très rapidement, des travaux conséquents sont entrepris sur le château, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sur les dépendances et sur les jardins. Réalisés le plus souvent sans respect des procédures sur monument classé, en quelques années, ces actes dénaturent progressivement, mais significativement le caractère original et remarquable des jardins. Les interventions les plus visibles concernent l’abattage des 24 tilleuls et de nombreux autres arbres », explique l’historienne des Jardins.

« En 2009, considérant l’importance des dégradations patrimoniales du château et des jardins, et sur proposition de la Commission royale des monuments, sites et fouilles, le ministre du Patrimoine a retiré Annevoie de la liste du Patrimoine exceptionnel de Wallonie », poursuit-elle.

Ces 15 années de gestion désastreuse prennent fin lorsqu’en 2017, Ernest-Tom Loumaye et son épouse reprennent la propriété, via bail emphytéotique et la Fondation privée Domaine historique du Château et des Jardins d’Annevoie. Ils entreprennent alors la réhabilitation du château et des jardins historiques, fortement détériorés. C’est dans cette perspective que des études préalables sur le château et ses jardins, dont l’étude historique et documentaire réalisée par Dre de Harlez, ont été commandées.

Le programme d’intervention global vise, notamment, à rendre au domaine le caractère patrimonial exceptionnel qui lui avait été reconnu en 1993.

Grand cracheur de l’octogone. 2008 © Guy Focant/AwaP

 

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