Résister. A quoi ? Pourquoi ? Comment ? Ces questions sont abordées sous une double forme à la Cité Miroir (Liège). Dans une démarche sociologique, entre novembre 2020 et mars 2021, l’ASBL les Territoires de la Mémoire a collecté auprès d’un large public plus d’une centaine de réactions à ces questions. Les paroles ainsi recueillies ont été illustrées par des élèves de l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc à Liège. Cette exposition « Echos – Trucothèque de nos résistances » donne un écho local à celle honorant le photo-journalisme mondial « World Press Photo 2020 », ouvrant des fenêtres critiques sur certaines réalités contemporaines. Et mettant en image de multiples actes de résistance.
Des exemples de résistance, ici…
« Résister, aujourd’hui comme hier, c’est lutter contre l’ignorance, le fanatisme, l’ambition. Comme le dirait Jean Jaurès, résister, c’est ne prêter ni sa voix ni ses mains aux huées fanatiques et aux applaudissements imbéciles », affirme Marcel. Il fait partie de la centaine de personnes ayant pris part à l’enquête sociologique.
« Résister, c’est souvent refuser les idées à la mode. C’est aussi jeter un regard critique tout en reconnaissant les progrès accomplis. Résister, c’est aussi nous méfier de nos propres certitudes », continue-t-il.
« Pour moi, aujourd’hui, dans mon petit pays, et à mon petit niveau, résister, c’est avant tout questionner les normes qu’on nous impose. Les injonctions à être ou à faire certaines choses. C’est s’opposer à l’injustice sociale et à toutes les formes de discrimination », enchérit Julie, une autre volontaire à répondre à l’enquête.
… et là-bas
« Dans le cadre de mon travail de sensibilisation à l’histoire et à la mémoire des crimes de génocide, j’ai rencontré plusieurs personnalités qui se sont illustrées par des faits de résistance. Résister à un génocide, c’est rester en vie », explique Ina, qui s’est portée volontaire pour participer à l’enquête sociologique.
« Esther Mujawayo est rescapée du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, au cours duquel presque tous les membres de sa famille ont été assassinés, dont son mari, ses parents, ses sœurs. Au lendemain des crimes, elle a fondé l’AVEGA, l’association des veuves du génocide, qui permet aux victimes de ‘dire’, de déposer leur insupportable fardeau, et qui tente de les accompagner tant psychiquement que matériellement. Aujourd’hui, Esther vit en Allemagne et est psychothérapeute dans un centre pour réfugiés. Elle a l’habitude de dire qu’elle n’est pas survivante, mais ‘vivante-vivante’. « Si tu vis en étant morte dedans, les tueurs ont gagné », aime-t-elle dire. Alors, pour rappeler aux génocidaires qu’ils ont échoué, elle affirme la vie doublement. »
Résister, malgré les barreaux
A l’étage de la Cité Miroir, dans ce qui fut les « Bains et Thermes de la Sauvenière », 150 photos sont exposées. Toutes sont lauréates d’une catégorie du concours de photojournalisme World Press Photo. Sous l’analyse d’un jury international, avec 150 autres qui ne sont pas exposées par manque de place, elles ont émergé comme étant les meilleures parmi les 74.470 photos proposées par 4.315 reporters-photographes de 130 pays. En ces temps de Covid, de libertés d’expression tronquées, de droits sociaux bafoués, de changements climatiques, elles montrent l’espoir, la résilience et la résistance.
Antonio Faccilongo a été récompensé pour sa série « Habibi » sur un acte de résilience et de résistance ayant lieu au Moyen-Orient. Enfermés dans des geôles israéliennes pour une durée allant de 20 ans à la perpétuité, des hommes palestiniens prisonniers politiques, désireux de continuer leur lignée, font sortir de prison du sperme dans des éprouvettes. N’ayant droit à aucun contact physique avec leur compagnon ou époux, des femmes palestiniennes se font inséminer artificiellement. Et prolongent ainsi leur famille.
« C’est un profond message d’amour, une mise en lumière du pouvoir des familles et un acte de défiance politique. Depuis 5 ans, le photographe italien travaille sur cette thématique. Il lui a fallu du temps pour créer un véritable lien avec ces familles particulières », explique Raphael Dias e Silva, président de World Press Photo et curateur de l’exposition. « Dans son œuvre, la dimension de l’enfance est très forte. Cela signifie que malgré l’emprisonnement, la vie continue. » Résister, toujours.