Le Dr Baatout, (SCK-CEN), était cette année à la Station polaire belge antarctique.
Le Dr Baatout, (SCK-CEN), était cette année à la Station polaire belge antarctique.

Une diplomatie « PPP »

18 janvier 2018
Durée de lecture : 5 min

SERIE (4) / Diplomatie scientifique

 

De 1897 à 1899, le Belge Adrien de Gerlache de Gomery dirigea la première expédition scientifique belge qui hiverna en Antarctique. C’était à bord du navire Belgica. Un exploit qui lança la tradition polaire belge.

Plus d’un siècle plus tard, et après de multiples péripéties, la Belgique est toujours présente sur le Continent blanc avec la station Princess Elisabeth Antarctica (PES), initiée par la Fondation polaire internationale et son inoxydable artisan, le Belge Alain Hubert.

« La station PES est une vitrine mais aussi une fantastique ambassadrice de la Belgique », estime Alain Hubert, président de la Fondation polaire internationale. « C’est une station d’exception dans sa conception, son fonctionnement. C’est également un lieu d’accueil pour des chercheurs étrangers », explique-t-il. « Je pense même qu’il s’agit du plus grand projet scientifique belge à l’étranger. Cette station fait office de pionnier au 21e siècle. C’est un exemple pour notre jeunesse. Pour les gens. Elle leur donne confiance dans notre capacité à faire face aux défis, notamment environnementaux. Elle propose aux scientifiques quelque chose dont ils peuvent être fiers ».

Partenariat public privé

La Station polaire « Princess Elisabeth Antarctica » (PES) serait donc un outil de la diplomatie scientifique de la Belgique? « C’est évident », dit Alain Hubert. Cela signifie-t-il que la diplomatie scientifique belge serait donc ici « privatisée » ? « Parlons plutôt à ce sujet de PPP, de partenariat public-privé », précise-t-il. L’initiative en revient à la Fondation polaire internationale. Le financement de son fonctionnement est assuré par l’Etat.

Le volet de « diplomatie scientifique » lié à cette station de recherche polaire s’exprime de deux manières. Tout d’abord, c’est une question d’image. Cette infrastructure « zéro émission » est une vitrine technologique qui porte loin l’image de la Belgique et son engagement dans la lutte contre les changements climatiques.

« Depuis qu’on a construit cette station, tout le monde l’observe. Un intérêt qui va au-delà de la diplomatie scientifique, stricto sensu. En effet, elle est un exemple technologique qui est intimement lié à la science. Il n’y a pas de sciences polaires sans station ».

Vingt-six chercheurs, onze nationalités

C’est aussi, par ailleurs, un très bel outil d’accueil de chercheurs étrangers. Cette année, elle va accueillir 26 scientifiques issus de nos universités (ULB, UCL, VUB, UGent, KUL)  ainsi que des chercheurs relevant d’institutions scientifiques belges (IRM, Aéronomie spatiale, Observatoire Royal, Centre d’étude nucléaire SCK-CEN) de même que des chercheurs étrangers (Université de Berne, Ecole suisse polytechnique de Lausanne, WSL/Davos, South Carolina University, Université du Luxembourg). Au total, onze nationalités se croisent à la Station belge cette saison ».

Mais à propos, qui sélectionne les chercheurs qui séjournent à la station polaire belge?

« Nous nous occupons des chercheurs qui y séjournent dans le cadre du fond Baillet-Latour », précise Alain Hubert. « Cela concerne un à trois chercheurs par an. Ils sont généralement financés sur deux ans ».

« Les projets des scientifiques belges sont sélectionnés par la Politique scientifique fédérale (BELSPO). Notre rôle consiste alors à leur apporter toute l’aide logistique nécessaire à leurs travaux sur place. C’est notre rôle d’opérateur polaire.

Quid de la sélection des chercheurs étrangers? « Ce n’est pas le Secrétariat polaire (Belspo) qui s’en charge », confirme Alain Hubert, « mais bien la Fondation polaire internationale”.  Les scientifiques étrangers que nous accueillons à la Station Princess Elisabeth sont des chercheurs qui travaillent sur des projets scientifiques sélectionnés par leurs universités, leurs instituts. Nous n’intervenons évidemment pas dans ces choix. Mais quand ils nous contactent et formulent des demandes de séjour à PES, nous regardons ce qui est logistiquement possible de faire, comment leur séjour peut prendre place dans notre programme. Nous leur envoyons un devis, car bien entendu, ces chercheurs paient leur séjour et l’utilisation de nos infrastructures. Une partie des bénéfices de ces activités d’accueil va au Secrétariat polaire. Un Secrétariat polaire qui lui aussi peut, s’il le désire, identifier de tels partenariats. Demain, ce sera sans doute le travail du futur « Institut polaire » dont la Belgique devrait se doter. Bien entendu, la priorité absolue va aux projets belges ».

“Au niveau diplomatique, la station est aussi un outil qui a très bonne réputation auprès des scientifiques en ce qui concerne son efficacité opérationnelle. Ce qui n’est pas le cas dans toutes les stations. Nous fournissons des services de qualité et étendus: guides de montagne expérimentés, personnels paramédicaux, ingénieurs, électroniciens pour réparer ou gérer divers outils. Nous le faisons pour l’intérêt général. L’essentiel, c’est la science, et l’image du pays », dit-il encore.

Chef d’états et ministres

“Aujourd’hui, la force du projet belge, c’est que personne ne peut dire qu’on puisse faire mieux. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi cette facette diplomatique n’est pas davantage exploitée par le pays”.

 

De part et d'autre d'Alain Hubert, le président de la Douma (à gauche) et le Prince Albert de Monaco. © IPF/René Robert
De part et d’autre d’Alain Hubert, le président de la Douma (à gauche) et le Prince Albert de Monaco. © IPF/René Robert

En attendant, c’est Alain Hubert qui accueille les chefs d’Etat étrangers et autres représentants officiels de passage à la Station PES. Comme en janvier 2015, quand deux ministres allemands et un parlementaire du Bundestag y ont effectué une visite. Ou encore en 2009, quand le président de la Douma russe, Artur Chilingarov, et SAS le Prince Albert de Monaco y ont fait escale…

Une certaine diplomatie scientifique belge est désormais frappée du sceau « PPP »….

 

Ce dossier a bénéficié du soutien du Fonds pour le journalisme de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

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