Des pixels plus explicites pour mieux mesurer les fuites au sein du cœur

18 janvier 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

La régurgitation n’est pas un phénomène physiologique très agréable. Quand il touche les jeunes enfants, ce reflux alimentaire de l’estomac vers l’œsophage et la bouche est plutôt banal. Mais il peut devenir pathologique et toucher également les adultes. Le « reflux » dont il est question dans cet article ne concerne cependant pas le système digestif, mais bien le cœur. Et lorsque cette régurgitation est mitrale, elle peut s’avérer extrêmement dangereuse.

« Quelques pourcents de la population souffrent de régurgitation mitrale », explique le Dr Victor Kamoen, qui s’est intéressé à cette problématique dans le cadre d’une thèse de doctorat qu’il vient de défendre à l’Université de Gand. Et qui a été couronnée par le prix Bernheim, remis par le Fonds pour la Chirurgie Cardiaque.

Perte d’étanchéité de la valvule mitrale

La régurgitation mitrale résulte d’un problème lié à la valvule mitrale. Dans un cœur sain, cette valvule, qui agit comme une sorte de clapet, empêche normalement le sang de revenir en arrière quand il s’écoule de l’oreillette gauche vers le ventricule gauche. Lors de la contraction du ventricule qui suit, le sang est expédié dans l’organisme. Mais si la valvule mitrale n’est plus assez efficace, si ce clapet ne se referme pas comme il faut, une fraction du sang peut remonter dans l’oreillette. De quoi réduire l’efficacité du cœur à irriguer l’organisme.

Plus le sang reflue vers l’oreillette, plus le cœur doit travailler pour éjecter suffisamment de sang vers le reste du corps. Dans les cas les plus graves, une insuffisance cardiaque peut se développer. Dans de telles situations, une intervention chirurgicale et le remplacement de la valvule par un système mécanique peut solutionner le problème.

Fatigue, essoufflement, trouble du rythme

La régurgitation mitrale est un problème bien connu des cardiologues. « Ses causes sont diverses. Il peut s’agir d’un problème génétique, d’une calcification ou d’un effet secondaire résultant d’une crise cardiaque », explique le médecin.

Dans les cas les plus sévères, le patient peut présenter un problème d’essoufflement, une fatigue, un gonflement des membres inférieurs voire un trouble du rythme cardiaque.

Le problème pour le médecin, qui détecte ce genre de problème lors d’un examen de la cage thoracique (auscultation du cœur avec un stéthoscope), est de pouvoir mesurer l’ampleur du reflux sanguin avec exactitude. « Le classement de la gravité de la régurgitation mitrale est important pour la prise de décision clinique », précise le Dr Kamoen. « Cela détermine le type d’intervention ou de traitement à mettre en place ».

Améliorer la qualité des informations issues de l’échocardiographie

Un des principaux outils pour apprécier l’intensité du problème passe par l’échocardiographie. Mais l’exploitation de ces images ne fait pas toujours l’unanimité au sein de la communauté médicale. D’où la recherche menée par Victor Kamoen et qui lui vaut d’être récompensé par le Prix Bernheim.

Il a mis au point une méthode d’analyse des images digitales livrées par l’échocardiographie qu’il a appelée « la méthode de l’intensité moyenne des pixels » ou API en abrégé.  Cette méthode classe les images en fonction de l’intensité des pixels du signal Doppler récolté. Ce type d’échographie (à « onde continue ») permet d’observer grâce au Doppler la circulation du sang dans les cavités cardiaques, ainsi que leur « reflux » dans le cas présent. Ces données sont traitées par un logiciel spécialement entraîné pour cette tâche. La méthode a d’abord été testée sur une modélisation du cœur, puis a été validée sur toute une série de patients présentant différents types de problèmes valvulaires générant une régurgitation.

« Dans l’ensemble, la méthode a pu être appliquée chez plus de 90 % des patients atteints de régurgitation mitrale », indique le médecin. Il a ainsi pu tester sa méthode d’interprétation des images d’échocardiographie. Il a également pu tisser des liens solides entre les résultats donnés par sa méthode API et les résultats d’autres examens cliniques utilisés actuellement pour classer les cas de telles régurgitations. De quoi valider, en principe, sa méthode.

L’intelligence artificielle à la rescousse

La suite? Le Dr Kamoen a des projets. À commencer par terminer sa spécialisation en cardiologie. « Il me reste deux années d’études pour parfaire ma formation », précise-t-il. « Ensuite, j’aimerais me concentrer sur l’imagerie médicale appliquée à la cardiologie. »

On l’a vu, les résultats de sa thèse sont encourageants. Mais ils demandent à être encore peaufinés avant de pouvoir être utilisés de manière routinière par les spécialistes. « Les développements potentiels sont énormes », estime-t-il. « Les techniques évoluent continuellement. Ce que j’ai pu apporter jusqu’à présent demande à être validé plus largement. Il faudra ensuite adapter les algorithmes des logiciels  de traitement des données liées aux appareils d’échographie. Et, dans ce contexte, de nouveaux développements, liés notamment à l’utilisation de l’intelligence artificielle pourraient permettre de rendre cette technique encore plus performante, plus sûre », conclut-il.

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