L’intelligence artificielle au chevet des patients inconscients

18 février 2021
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Exploiter l’intelligence artificielle, et plus spécifiquement le ‘machine learning’, pour mieux évaluer l’état neurologique des patients après un coma. Telle est l’ambition des recherches d’Athéna Demertzi, chercheuse qualifiée FNRS et directrice du laboratoire de physiologie de la cognition au GIGA-Consciousness (ULiège). Une technique innovante récompensée récemment.

Un réveil avec ou sans conscience

On dit qu’une personne est consciente quand elle est éveillée, ainsi que consciente d’elle-même et du monde qui l’entoure. La conscience est de cette façon intrinsèquement liée au cerveau et à l’activité de ses aires corticales (aires motrices, sensorielles, visuelles, auditives…), qui communiquent entre-elles.

En cas d’atteinte cérébrale due, par exemple, à une intoxication, un traumatisme, ou encore à un AVC, certaines régions ou connexions entre régions peuvent se retrouver endommagées, et troubler l’état de conscience. Plusieurs états de conscience altérée sont possibles :

-Le coma : la personne n’est ni éveillée, ni consciente. Cet état peut durer entre une journée et un mois.
-Le syndrome d’éveil non-répondant, aussi connu comme état végétatif : la personne est éveillée et capable de comportements réflexes, mais n’apparaît pas consciente d’elle-même ou de son environnement. Cet état peut évoluer, ou non, vers un état de conscience minimale.
-L’état de conscience minimale : la personne est éveillée et montre des signes de conscience. Quand le patient est capable de communiquer à nouveau sans difficulté, on considère qu’il a émergé de cet état de conscience minimale.

Après un coma, si le patient est non-répondant aux stimuli, il est évidemment plus difficile de diagnostiquer avec certitude son niveau de conscience. Cela est pourtant crucial, si l’on veut établir un pronostic sur son évolution neurologique, et instaurer un protocole de soin adapté.

 

Dre Athena Dermertzi © ULiège

Des algorithmes comme aide au diagnostic

Pour déterminer l’état de conscience de ces patients en particulier, les scientifiques se reposent sur des instruments de neuro-imagerie, comme l’IRM fonctionnelle, qui permet de mesurer l’activité des aires cérébrales.

En 2019, une équipe internationale, dont faisait partie la docteure Demertzi, a ainsi étudié en IRM fonctionnelle le comportement du cerveau de 169 personnes. Le but était d’investiguer un lien entre l’évolution de l’activité cérébrale et le niveau de conscience. Et les scientifiques ont trouvé, pour la première fois, des modèles généralisables spécifiques aux états conscients et inconscients.

« Aussi, nous savons aujourd’hui que quand on détecte des connexions entre l’aire responsable de la vision et de l’audition, il y a des chances que le patient soit en état de conscience minimale. A contrario, si cette communication n’est pas décelée, on dit qu’il est en état végétatif », explique la chercheuse en neurosciences cognitives et cliniques.

Dans le but de mieux décrypter encore les différents schémas d’organisation du cerveau, la docteure Demertzi propose de coupler les mesures de l’IRM fonctionnelle à un logiciel utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique.

Un outil au service du patient et de ses proches

Comme son nom l’indique, l’apprentissage automatique est une technique qui donne à un logiciel la faculté d’apprendre seul. Il sera ainsi capable, au terme de son apprentissage, de résoudre des tâches automatiquement. « Ici, le logiciel est entraîné à classer les patients selon leur état de conscience, sur base des images de l’IRM fonctionnelle, et ainsi à prédire leur chance de récupération », expose la Dre Demertzi.

L’étude suit actuellement son cours, mais la chercheuse espère publier ses premiers résultats dans le courant de l’année.

« A l’avenir, cette technologie pourrait contribuer à établir de manière plus précise le niveau de conscience des patients non-répondants après un coma. Elle apparaît donc comme un outil intéressant d’aide au diagnostic. Une évaluation neurologique plus précise serait non seulement utile pour les médecins, mais aussi pour les proches du patient, alors responsables des décisions à prendre en matière de soins », conclut-elle.

 

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