L'impacteur DART © NASA Johns Hopkins APLEd Whitman-

DART : le premier essai de déviation d’un astéroïde a été plus efficace que prévu

18 juillet 2023
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Série : Pleins feux sur notre Système solaire (5/5)

Loin d’être fataliste face à un scénario de collision entre la Terre et un objet céleste, l’Agence Spatiale européenne (ESA) étudie depuis plus de 20 ans le concept de déviation d’astéroïdes dans le cadre de son programme de défense planétaire. A travers la collaboration internationale AIDA (Asteroid Impact and Deflection Assessment), deux projets ont vu le jour pour tester cette technique à l’échelle réelle : la mission DART de la NASA et la mission HERA de l’ESA. L’objectif ? Déterminer s’il est possible de détourner la trajectoire d’un astéroïde en y faisant s’écraser un engin spatial. Une opération dans laquelle est impliqué l’Observatoire royal de Belgique.

Dimorphos à l’échelle du Colisée à Rome © ESA Science Office

Une collision sous contrôle

C’est l’astéroïde Dimorphos (160 mètres de diamètre), découvert en 2003 en orbite autour de l’astéroïde Didymos (780 mètres de diamètre), qui a été choisi comme cobaye pour réaliser cette première expérience de défense planétaire.

« Sa vitesse de rotation autour de Dydimos étant très faible, il était plus facile de mesurer l’influence d’une collision », explique Guillaume Noiset, chercheur à l’Observatoire royale de Belgique et participant aux missions DART et Hera. « Surtout, dévier Dimorphos ne posait aucun risque en termes de sécurité puisque la trajectoire de son parent ne devait pas être affectée. »

La première étape de l’essai – envoyer un impacteur sur Dimorphos – s’est conclue avec succès la nuit du 26 au 27 septembre 2022 lorsque la sonde DART a percuté l’astéroïde à plus de 21.000 km/h.

Une influence plus importante que prévue

« En tant que membre de l’équipe d’observation, nous avons collecté depuis la Terre des données sur le système d’astéroïdes avant l’impact, afin de réaliser des simulations sur son effet sur l’orbite et la rotation de Dimorphos. On compare maintenant ces prédictions avec les informations recueillies pendant et après la collision », indique Guillaume Noiset.

D’après les premiers résultats, ce choc est bel et bien parvenu à modifier l’orbite de l’astéroïde, et ce, de manière beaucoup plus importante qu’attendue. Après l’impact, il était espéré que la période orbitale de Dimorphos autour de Didymos diminue. « Avant que la sonde ne frappe l’astéroïde, Dimorphos prenait 11h55 pour faire le tour de son compagnon, et on estimait que la collision réduirait cette période de 7 minutes. Finalement, elle a été diminuée de 33 minutes ! »

Les simulations avaient sous-estimé la quantité de matière arrachée à l’astéroïde par la collision. « Après l’impact, on a pu observer pendant plusieurs jours une traînée de poussière s’étalant sur des milliers de kilomètres. Dimorphos a donc perdu beaucoup de masse, ce qui a contribué à réduire sa période de révolution. »

L’instrument Grass lors des tests en “thermal vacuum chamber” © Observatoire royal de Belgique

Une déviation dont on doit encore tirer les leçons

Si les données recueillies depuis la Terre, à 207 millions de kilomètres du site d’impact, ont confirmé que la sonde DART a réussi à dévier la trajectoire de Dimorphos, on ignore encore beaucoup de choses sur les conséquences de cette collision. La sonde HERA, dont le lancement est prévu pour octobre 2024, aura ainsi pour but de mesurer en détail les résultats de l’expérience. La mission analysera précisément ce système binaire, afin d’améliorer notre compréhension de la géophysique des astéroïdes.

Pour ce faire, la sonde HERA embarquera deux satellites miniatures : Juventas et Milani. Juventas se concentrera sur Dimorphos et aura pour tâche de déterminer sa gravité, sonder sa structure interne, et caractériser ses propriétés de surface. « Il aura à son bord deux instruments, dont le gravimètre GRASS, développé à l’Observatoire. Il est pour le moment en phase de test afin de le certifier pour le vol », fait savoir Guillaume Noiset. « Son rôle sera de caractériser la gravité de Dimorphos, ce qui permettra d’en apprendre davantage sur sa composition. »

Le satellite Milani, de son côté, étudiera le système binaire dans son ensemble. Il cartographiera sa composition globale, caractérisera sa surface, évaluera l’effet de l’impact de DART sur le système, et analysera les poussières libérées lors de la collision.

« En récoltant ces données, HERA contribuera à transformer l’expérience d’impact à grande échelle qu’est DART, en technique de déviation bien assimilée et reproductible. Une technique prête à être déployée dans le cas où un astéroïde serait détecté sur la trajectoire de la Terre », résume l’ESA.

En parallèle, cette mission européenne permettra d’étudier de près un système binaire, et ainsi de mieux cerner ces objets, qui représenteraient environ 15% de la population d’astéroïdes.

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