Prélèvement d'une carotte de glace avec une sonde expérimentale, à la base Concordia, en Antarctique. © Thibaut VERGOZ IPEV CNRS
Prélèvement d'une carotte de glace avec une sonde expérimentale, à la base Concordia, en Antarctique. © Thibaut VERGOZ IPEV CNRS

Remonter le temps sur 1,5 million d’années

18 novembre 2016
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Le défi que vient de se lancer un consortium scientifique européen, au sein duquel on retrouve les glaciologues de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), n’est pas simple. Après avoir pu prélever dans la calotte antarctique une carotte de glace âgée de 800.000 ans (le projet EPICA), ils se lancent cet hiver (l’été en Antarctique) dans une nouvelle quête. Leur but: remonter le temps sur 1,5 million d’années.

 

« Avec le projet EPICA, nous avions foré profondément dans l’épaisse couche de glace antarctique pour finalement atteindre le « fonds » et y récolter de la glace âgée de 800.000 ans », rappelle le Pr Frank Pattyn, codirecteur du laboratoire de glaciologie de l’ULB.

 

« De telles carottes glaciaires constituent des archives de la composition de l’air des précédentes époques glaciaires. Grâce aux analyses pratiquées en laboratoire, cette composition atmosphérique peut être étudiée », précise-t-il.

 

Carotte de glace antarctique de 10 cm de diamètre.
Carotte de glace antarctique de 10 cm de diamètre.

 

Grâce aux carottes de glace, les scientifiques peuvent en effet obtenir une multitude d’informations sur le fonctionnement du système climatique terrestre, dont l’évolution des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Seules ces archives glaciaires permettent de renseigner directement sur la composition de l’atmosphère dans le passé et donc d’évaluer le rôle joué par les gaz à effet de serre lors des transitions climatiques qu’a connu la Terre sur cette longue période.

 

Aujourd’hui, les chercheurs voient clair en ce qui concerne ces changements climatiques, intervenus au cours de ces 800.000 dernières années. Mais au-delà… les archives manquent. D’où leur nouveau projet, baptisé « Beyond EPICA – Oldest Ice » (BE-OI).

 

Ce nouveau forage glaciaire en Antarctique, soutenu dès à présent par la Commission européenne, vise à remonter plus loin dans le temps.

 

Manque d’échantillons appropriés

 

« Nous ne savons pas ce qui a pu déclencher le changement climatique qui s’est opéré il y a environ 900.000 à 1.200.000 ans durant le cycle glaciaire-interglaciaire », précise le professeur Pattyn.
« Avant cet événement, également appelé « transition du Pléistocène moyen », les périodes glaciaires et interglaciaires se succédaient tous les 40 000 ans environ. Depuis lors, cette succession intervient tous les 100 000 ans. Pourquoi ce ralentissement? »

 

Les scientifiques doivent ces découvertes aux analyses de carottes de sédiments prélevées dans l’océan. Toutefois, celles-ci ne livrent aucune information quant aux gaz atmosphériques. « Nous ne pouvons pas encore nous consacrer exclusivement à l’étude du rôle des gaz à effet de serre, car nous ne possédons pas d’échantillon approprié », ajoute Frank Pattyn.

 

Mais avant de creuser dans la glace antarctique pour remonter des fragments de glaces âgées d’1,5 million d’années, il faut d’abord identifier la zone antarctique la plus susceptible de livrer de telles archives. C’est là le cœur des phases préliminaires du projet Beyond Epica.

 

Le projet BE-OI se concentre sur le repérage du meilleur site potentiel pour un tel forage scientifique. Les partenaires du consortium européen mènent cet été austral des inspections préliminaires sur des sites situés à une quarantaine de kilomètres du Dôme C (où avait eu lieu le forage du projet « EPICA) et du Dôme Fuji, deux régions de l’est de l’Antarctique considérées comme des zones potentiellement adaptées à ce type de forage.

 

Localisation des sites explorés pour le projet BE OI. (Cliquer pour agrandir)
Localisation des sites explorés pour le projet BE OI. (Cliquer pour agrandir)

 

Quand le choix du site sera arrêté, les opérations de forage pourront commencer. « Un projet qui va s’étendre sur plusieurs années », estime le Pr Pattyn.

 

Le projet Beyond Epica est coordonné par l’institut allemand Alfred Wegener et son centre pour la recherche polaire et marine.

 

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