Le coronavirus aime aussi le cœur, même jeune et sportif

18 décembre 2020
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 6 min

Le virus SARS-CoV-2 touche en premier lieu le système respiratoire. Mais il peut aussi s’attaquer directement au cœur et au système cardiovasculaire. « Et parfois de manière sournoise », indiquent les chercheurs. Au point de pouvoir induire des problèmes à long terme. Une information qui devrait notamment intéresser les sportifs. Ce n’est pas parce qu’ils ont vaincu le virus qu’ils retrouvent nécessairement toutes leurs capacités cardiovasculaires ni qu’ils peuvent reprendre l’entraînement comme si de rien n’était. Aux États-Unis, les spécialistes prêchent la prudence. En Belgique aussi.

« La clé qui permet au virus de rentrer au niveau cardiaque, c’est le récepteur moléculaire ACE2 », explique le Pr Christophe Scavée, cardiologue aux Cliniques St-Luc (UCLouvain). « Une fois dans la place, le virus peut y causer des dégâts qui ne sont pas toujours visibles lors des examens. À la base, les patients Covid-19 se présentent avec des problèmes pulmonaires, une toux, de la fièvre. Pas pour un problème cardiaque. »

La thrombose, première des complications

Bien sûr, les médecins sont attentifs à ce qu’ils appellent les comorbidités, ces facteurs complémentaires susceptibles d’aggraver une situation. « Les patients obèses présentent ainsi un risque majoré de développer des complications cardiovasculaires de l’ordre de 10 %. Pour les hypertendus, cela va de 10 à 20 %. Pour les personnes avec des maladies cardiaques préexistantes, le risque est aussi de l’ordre de 20 % », précise le spécialiste.

« Les premières complications cardiovasculaires liées à la Covid-19 sont les thromboses », indique le Pr Christophe Beauloye, Chef du service de Cardiologie, aux Cliniques universitaires Saint Luc. « Les caillots qui se forment et qui viennent boucher les vaisseaux sanguins peuvent mener à des infarctus ou à des accidents vasculaires cérébraux ». Ce type de problème est bien documenté depuis le début de la pandémie. Dans les services « Covid » des hôpitaux, on lutte contre ce risque en administrant aux patients des médicaments qui fluidifient le sang.»

« Le virus, dans les formes sévères, entraîne des dommages à l’endothélium, la paroi interne des vaisseaux sanguins », explique le Pr Beauloye. « Cela active les plaquettes sanguines ainsi que d’autres éléments renforçant la coagulation. Ce qui à son tour favorise les thromboses. Nous sommes en train de terminer une étude à ce sujet. Elle montre clairement que le virus active un ensemble de ces facteurs.»

L’inflammation du muscle cardiaque guette aussi les jeunes 

Les difficultés respiratoires peuvent aussi induire des problèmes cardiaques. Une des causes du  syndrome coronaire aigu est ainsi liée à l’hypoxie. La saturation en oxygène de sang diminue et n’est plus suffisante pour répondre aux besoins de l’organisme. « Cette hypoxie peut alors favoriser l’infarctus », indique le Pr Scavée.

Les jeunes ne sont pas épargnés par ces problèmes cardiaques liés à la Covid-19. « Ils peuvent notamment être concernés par la myocardite, l’inflammation de la paroi du muscle cardiaque. Qu’il s’agisse du muscle lui-même ou de la paroi extérieure. On parle alors de péricardite », précise le Pr Scavée. « Ces pathologies ne sont pas faciles à diagnostiquer dans le contexte de la Covid-19. À la base, les gens se présentent avec des problèmes respiratoires. Pas pour un problème cardiaque.»

L’ampleur du risque? « Dans deux études portant sur des patients décédés, les autopsies montrent qu’il y a eu une attaque cardiaque directe du virus », précise le médecin.

« Dans une troisième étude, plus récente, des analyses IRM montrent des lésions cardiaques chez 70% d’anciens patients qui ont souffert d’une forme modérée de la Covid-19, et qui ont été traités à la maison. Cela montre encore une fois que ces patients, plutôt modérés, avec des symptômes respiratoires de type grippal, souffraient aussi d’une atteinte cardiaque qui était passée jusque-là tout à fait inaperçue. C’est assez inquiétant. Parce qu’on ne sait pas ce que cela va devenir. Ici, nous sommes dans le cadre d’une étude. Dans la pratique habituelle, il n’y a pas de raison d’aller rechercher une éventuelle atteinte cardiaque par IRM…»

« Et personne ne sait vraiment ce que ces inflammations du muscle cardiaque vont donner à terme. On voit rarement des myocardites lors d’états grippaux. Mais avec la Covid-19, si l’inflammation devient chronique, et que cela entraîne une mauvaise cicatrisation persistante des tissus, cela peut devenir une cause de mort subite dans le futur. Et cela, on ne peut pas le prédire actuellement. Pour moi, c’est particulièrement inquiétant, surtout chez des sujets jeunes.»

Reprise du sport : prudence et bon sens

« Des études basées sur des autopsies de patients décédés à la suite de la Covid-19 ont également permis de détecter la présence du virus dans des cellules cardiaques et dans des cellules vasculaires », reprend le Pr Christophe Scavée. « Cela signifie que le virus peut s’y installer, et parfois de manière dormante, sans avoir déclenché d’épisodes inflammatoires importants. Ce que nous ne savons pas encore, c’est si ce virus peut un jour se réveiller et déclencher une inflammation cardiaque importante. »

D’où la prudence à avoir en ce qui concerne la reprise d’une activité sportive post-Covid-19. Pour les patients chez lesquels les médecins ont pu prouver qu’il y avait eu une atteinte cardiaque, mieux vaut d’abord se soumettre à une batterie de tests ciblés: électrocardiogramme, échographie, test à l’effort, Doppler… Surtout si on cumule les facteurs de risque: tabagisme, surpoids, etc.

Pour tous les autres, qui n’ont présenté qu’une toux, des grosses températures, qui sont fatigués, le bon sens veut qu’on ne conseillera pas de reprendre un sport intensif ou même modéré immédiatement. « Ce genre de conseil est identique pour tous les patients qui sortent d’une maladie infectieuse ou non-infectieuse », dit le Dr Scavée.

Une activité douce par contre n’est pas découragée. « Mais cela dépendra de l’apparition éventuelle de palpitations à l’effort, d’essoufflement à l’effort, d’étourdissement à l’effort », précise-t-il. « Il est bien sûr recommandé d’avoir une activité physique, mais bien encadrée et modérée.»

Pour les enfants et les adolescents, les médecins de l’Académie américaine de pédiatrie disent exactement la même chose dans leurs recommandations.

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