Cibler les mutations du gène FAT1 pour enrayer les métastases

17 décembre 2020
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 3 min

L’année se termine en fanfare pour le Pr Cédric Blanpain (ULB). Alors qu’il recevait mercredi matin le prix Francqui (la plus haute récompense scientifique en Belgique) de mains du roi Philippe, le chercheur de l’ULB, directeur du Laboratoire « Cellules souches et cancer » voyait l’après-midi même les derniers résultats de ses recherches publiés dans une des plus prestigieuses revues scientifiques.

Et quels résultats! Les recherches fondamentales menées au sein de son laboratoire par Ievgenia Pastushenko ouvrent de nouvelles perspectives en ce qui concerne toute une série de cancers. C’est un mécanisme lié à une mutation génétique et le détail des réactions moléculaires qui en découlent qui sont ici mis en lumière.

Un mécanisme démonté pas à pas

Les chercheurs ont identifié pour la première fois les fonctions de FAT1, l’un des gènes les plus fréquents mutés dans le cancer. Ils ont découvert que les mutations de FAT1 favorisaient les métastases et la résistance des tumeurs à certains traitements anticancéreux. Mieux encore, en étudiant les mécanismes qui mènent le gène FAT1 muté à devenir ainsi oncogène, les travaux de l’équipe financée par Welbio, ont également permis de mettre en évidence qu’une molécule thérapeutique déjà utilisée dans le traitement du cancer du sang (l’inhibiteur Src) pourrait avantageusement être utilisée pour lutter contre d’autres types de cancers où intervient le gène FAT1 muté.

FAT1 est un des gènes mutés que les chercheurs retrouvent, en effet, fréquemment dans différents types de cancers (cancer du poumon :30%, tête et cou :30 à 40 %, cavité orale :40%, peau :30 %).

Une des clés de la « transition épithélio-mésenchymateuse »

« La capacité à former des métastases est souvent liée à un effet qu’on appelle la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) », explique le Pr Blanpain.  « FAT1 promeut cette fameuse EMT.  Nous avons analysé dans le détail toutes les étapes de la cascade de signalisation moléculaire qui permettait ce phénomène. C’est comme cela que nous avons découvert qu’une protéine, qui est essentielle dans cette cascade d’événements,  pouvait être bloquée et ainsi empêcher l’action néfaste de FAT1 ».

« Il était particulièrement excitant d’identifier que des mutations dans un seul gène, FAT1, favorisent un état hybride de l’EMT qui conduit à des métastases et est associé à un mauvais pronostic chez les patients cancéreux », commente Ievgenia Pastushenko, la première auteure de cette étude.

Un outil de médecine personnalisée

Mieux encore, pour bloquer cette protéine, il existe déjà une molécule thérapeutique. Il s’agit de l’inhibiteur Src, utilisé dans le traitement du cancer du sang.

« Nous nous sommes demandé si cet inhibiteur ne pouvait pas enrayer la machine infernale du gène FAT1 muté »,  reprend le Pr Blanpain. « Et nous avons pu montrer que cet inhibiteur qui bloque Src fait perdre, à la cellule mutée pour FAT1, sa capacité d’invasivité ».

« Étant donné le nombre de patients atteints par cette mutation FAT1 impliquée dans leur cancer, nous pourrions utiliser cet inhibiteur pour leur proposer une thérapie personnalisée », estime Cédric Blanpain. La découverte faite au sein de son labo est tellement importante à ses yeux qu’il n’a pas hésité à la faire breveter.

« D’autant que nos résultats sont robustes », précise-t-il. « Ils se basent sur des études menées sur des tissus cancéreux humains, et non sur des souris ». « C’est ce qui fait que cette étude est à la fois très intéressante de manière conceptuelle, mais aussi appliquée. »

« Nous allons maintenant initier des collaborations avec des fabricants de tels inhibiteurs pour mener des études précliniques. Et si elles s’avèrent positives, nous nous embarquerons alors directement dans une étude clinique », annonce-t-il.

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