Le laboratoire QUALIblood, spin-off de l’UNamur, en collaboration avec son département de pharmacie, a validé un test sanguin capable de prédire la sévérité du Covid. Ce test sanguin, davantage fiable que les tests antigéniques, et bien plus précis que les tests PCR naso-pharyngés pour évaluer la sévérité de la maladie, pourrait également être utilisé plus largement comme outil de diagnostic.
Prédire la sévérité
Si certains croisent la route du SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid, sans trop de dommages, d’autres développent une forme grave. Celle-ci est essentiellement le fruit d’une réponse immunitaire inadaptée, appelée tempête cytokinique. Être capable de prévoir sa survenue permettrait d’augmenter les chances de survie. Et ce, en administrant au patient des thérapeutiques préventives adéquates ou en le transférant à temps vers un hôpital avec suffisamment de place en soins intensifs.
C’est dans cette optique qu’en mars 2021, sous la houlette du Pr Jonathan Douxfils, a débuté le projet COVIMOA. « Si les tests PCR réalisés sur frottis naso-pharyngés permettent de voir si une personne est atteinte du SARS-CoV-2, cela ne permet pas de dire si elle est, ou non, gravement atteinte. Notre premier objectif était ainsi de parvenir à déceler un lien entre charge virale dans le sang et la sévérité de la maladie, et par là de trouver un biomarqueur prédictif de la sévérité de la maladie », explique Pr Douxfils, directeur du laboratoire QUALIblood.
Avec son équipe de recherche, il a analysé des échantillons de sang de patients positifs au Covid, collectés régulièrement au cours de leur hospitalisation. De quoi observer l’évolution de la charge virale en fonction des symptômes développés. Cette biobanque a été mise sur pied avec l’aide de différents partenaires hospitaliers, ainsi que la biobanque de l’Université de Namur.
« Grâce au travail rétrospectif mené auprès des patients, nous avons déterminé que la meilleure fenêtre pendant laquelle mesurer cette charge virale au niveau sanguin est comprise entre le jour 4 et le jour 10 après le début des symptômes. Si le patient dépasse alors le seuil déterminé dans cette première étude (5000 picogrammes / millilitre), il a 30 fois plus de risque d’évoluer vers une forme sévère. »
Ces résultats ont été validés au sein d’une cohorte de 84 patients, à moitié composée de femmes. Parmi ceux-ci, 13 ont évolué vers une forme sévère (soins intensifs ou décès), 12 étaient asymptomatiques (mais hospitalisés pour une autre raison), 17 avaient des symptômes légers et 42 avaient des symptômes modérés.
« A l’avenir, nous souhaitons mener une étude prospective pour déterminer si ce test sanguin permet de trier adéquatement les patients en hôpital. »
Un outil de diagnostic affûté
En plus d’être capable de prédire la sévérité de la maladie, le test développé au sein de QUALIblood pourrait se révéler être un précieux outil de diagnostic alternatif à la RT-PCR sur frottis nasopharyngés. Mais aussi aux tests antigéniques rapides et aux tests antigéniques réalisés en pharmacie.
« Selon des analyses que nous avons réalisées, les tests antigéniques n’excèdent pas 65 % à 75 % de positivité. » Autrement dit, sur 100 personnes porteuses du SARS-CoV-2, 25 à 35 passent sous le radar et sont déclarées négatives. « Ces tests, qu’ils soient réalisés en officine ou bien dits « rapides » (la différence entre les deux ne résidant, suivant le test, que dans la longueur de l’écouvillon et du fait qu’un professionnel de la santé réalise le prélèvement), sont donc en dessous des 80 % de positivité exigés par l’OMS et suivis par Sciensano », explique Jonathan Douxfils.
Concernant les tests RT-PCR, ils ne font pas de différence entre faible et forte charges virales au niveau sanguin. En effet, ils peuvent détecter du matériel génétique viral même lorsque le patient n’est pas ou plus contagieux, selon les critères du Center for Disease Control and Prevention américain, le contraignant à la quarantaine alors que celle-ci n’a probablement pas lieu d’être.
« Notre test sanguin se caractérise par 100 % de positivité (toute personne infectée et considérée contagieuse est détectée, NDLR). De ce fait, il serait capable de déterminer si une personne est contagieuse ou non. C’est un pas en avant vers plus d’objectivité dans le diagnostic et les mesures sanitaires qui en découlent », poursuit-il.
Une technologie de pointe
Ces tests sanguins peuvent se réaliser à partir d’une prise de sang classique, mais aussi à partir d’une goutte de sang prélevée au bout d’un doigt et absorbée sur un dispositif adéquat. Ce prélèvement est ensuite envoyé au laboratoire QUALIblood, lequel a recours à la technologie Simoa. Celle-ci permet de détecter des protéines d’intérêt pratiquement une à une, avec une sensibilité plus de 1000 fois supérieure à la technologie classique ELISA.
« Il n’y a que 90 machines comme la nôtre en Europe. Et nous sommes les seuls à en posséder une en province de Namur. »
« Après avoir mis toute une logistique en place, nous serons en mesure de réaliser l’analyse de 500 échantillons de sang capillaire par jour, et de fournir le résultat endéans les 24 heures. »
Ce type d’analyse, sera-t-il toujours valable en cas de nouveaux variants ? « Notre test cible la nucléocapside, pas la protéine spike comme le font certains tests PCR. Selon la littérature scientifique, si le gène codant pour cette nucléocapside a déjà subi des mutations, celles-ci ne se répercutent pas en modifications majeures de la nucléocapside en elle-même », conclut le Pr Douxfils.
L’espoir est donc permis d’avoir trouvé une méthode diagnostique fonctionnelle et non invasive pour tous les variants du SARS-CoV-2.