Recycler les métaux des centrales nucléaires, une future expertise belge

19 février 2024
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

La Belgique a été pionnière dans le domaine de la recherche nucléaire. Et elle compte bien le rester en ce qui concerne le démantèlement des centrales de production d’électricité.

Dès 1952, avec la création du Centre d’étude de l’énergie nucléaire de Mol (SCK-CEN) et la construction de trois réacteurs de recherche et/ou de production de radio-isotopes médicaux (BR-1, BR-2 et BR-3, BR pour « Belgian Reactor »). A partir de 1956, la Belgique se positionnait comme pionnière dans ce domaine.

Le projet SMELD, mené en partenariat avec le CRM Group

Désormais, en collaboration avec le Centre de recherche sur les métaux, le CRM Group basé au Sart-Tilman (Liège), le SCK-CEN se lance dans un projet de recherche et de construction d’un nouveau four à plasma destiné au recyclage des métaux contaminés (radioactifs) issus du démantèlement de centrales nucléaires. Un projet baptisé « SMELD », acronyme de State-of-the-art MEtal Melting Limiting waste during D&D.

Soit un projet de mise au point de technologies dernier cri d’un système de fonte des métaux issus du « décommissionnement » (soit la fin de l’utilisation de l’équipement) et du démantèlement (D&D) des centrales. Et ce, en vue de réduire les déchets radioactifs générés par cette activité. À la clé, un budget de 13,4 millions d’euros alloués à la Belgique par l’Europe dans le cadre du plan de relance.

« Une centrale nucléaire, c’est du béton, mais ce sont aussi des tonnes de métaux issus des cuves, des tuyaux et autres pièces provenant de cette industrie », indique Peter Baeten Directeur général du SCK-CEN. « Réduire, voire éliminer, la radioactivité d’une bonne partie de ces métaux permet de les réutiliser plutôt que de les gérer comme déchets radioactifs. Ce qui réduit les coûts de stockage sur le long terme. »

Four à induction dans les locaux du CRM Group, à Liège © Christian Du Brulle

Mise au point d’un four à plasma préindustriel

Si l’enjeu est économique, il est aussi scientifique. Comment « nettoyer » ces métaux contaminés avant d’envisager leur recyclage? C’est ici que l’expertise conjointe des deux partenaires affiche sa plus-value.

Grâce à une initiative lancée voici un peu plus de deux ans par le secrétaire d’État en charge de la Politique scientifique, Thomas Dermine (PS), le SCK-CEN et le CRM Group ont planché sur la question. L’expertise nucléaire du premier est évidente. Celle en matière de recherche et technologie métallurgiques du second est indiscutable depuis 75 ans.

Ensemble, ils vont développer la R&D nécessaire pour relever ce défi et tester leur nouvelle technologie, en construisant, d’ici 2027, un nouveau four de fusion à plasma destiné à prouver l’efficacité de leur solution. Il s’agira d’un four pilote, un grand prototype, un four préindustriel.

« Nos études portent sur le comportement des métaux en fusion », indique Joeri Neutjens, le patron du CRM Group. « Afin de pouvoir récupérer certains radio-isotopes, nous devons savoir comment ils se comportent. Il faut ensuite identifier et tester les procédés physico-chimiques qui permettent de les séparer. Pour, par exemple, récupérer du césium radioactif dans des alliages, il faut le faire fondre, et même le vaporiser », précise-t-il. « Il est ensuite oxydé, puis récupéré dans des filtres spécifiques. »

Pour réaliser ce type de manipulation, les fours à induction du CRM Group montrent leurs limites en termes de taille et de température. Celui du Sart-Tilman monte à 1600 °C. Le futur four à plasma du projet SMELD devrait atteindre les 1800 °C.

Des milliers de tonnes de métaux à traiter par centrale nucléaire

« A terme, et grâce à la technologie qui sera développée dans le cadre de ce projet, l’idée est de traiter de grands volumes de métaux issus des centrales nucléaires », précise le secrétaire d’Etat Thomas Dermine.

« Il y a là une opportunité économique. Dans les environs immédiats de la Belgique, on compte 167 réacteurs nucléaires dont 40 atteignent l’âge de 40 ans. Mettre au point une technologie qui permet d’en recycler les métaux contaminés, ou du moins de diminuer le volume de déchets radioactifs, est clairement une future activité industrielle dans laquelle nous voulons nous positionner. Le coût du démantèlement d’une centrale nucléaire est estimé à 1,3 milliard d’euros. »

Le planning? Plutôt rapide. « La mise au point de cette nouvelle technologie va prendre quatre à cinq ans », estime Peter Baeten, le Directeur général du SCK-CEN.

« Le démantèlement d’une centrale nucléaire est un processus long. Il s’étend sur une vingtaine d’années. Au cours des quatre à cinq premières années, on la laisse d’abord refroidir. C’est seulement alors que l’on s’attaque à son démantèlement. »

« Les volumes de métaux à récupérer sont importants. Pour chaque centrale, on l’estime entre 10.000 et 15.000 tonnes, et ce rien que pour les échangeurs de chaleur. Avec le projet SMELD, nous serons parfaitement dans les temps avec nos technologies », conclut-il.

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