IceCube, bâtiment de surface au Pole Sud © Collaboration IceCube

Les chercheurs belges soufflent les dix bougies d’IceCube

19 mai 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

Le gigantesque détecteur de neutrinos IceCube installé au Pôle Sud, à la base Scott-Amundsen, vient de fêter son dixième anniversaire. Fruit d’une collaboration internationale à laquelle participent des scientifiques belges, via notamment le FNRS et son alter ego du nord du pays, le FWO, il s’agit d’un instrument démesuré. Ce télescope coulé dans la glace australe fait plus d’un kilomètre cube de volume!

Détection du passage d’un neutrino par IceCube © Collaboration IceCube – Cliquez pour agrandir

Si l’image ci-dessus ne représente pas un gâteau d’anniversaire aux bougies stylisées, elle illustre, par contre, parfaitement un des événements principaux captés par IceCube. Il s’agit de la détection du passage d’un neutrino extrêmement énergétique (une énergie égale à 1,14 péta-électron-volts ou PeV), le 3 janvier 2012, peu après la mise en service de cet instrument scientifique.

Explorer l’Univers inconnu

Les neutrinos énergétiques que tente de déceler IceCube sont des particules élémentaires mystérieuses, minuscules et extrêmement légères, créées par certains des phénomènes les plus énergétiques et les plus éloignés se produisant dans l’Univers. Avec IceCube, les chercheurs espèrent pouvoir lever le voile sur certains pans méconnus, voire inconnus, de notre Univers.

« Avec nos collègues de l’ULB, de l’UGent et de l’UMons, nous avons contribué, depuis la Belgique, et dès le début de cette aventure scientifique, à IceCube, et tout s’est très bien passé », estime Nick van Eijndhoven, professeur à la VUB. On notera notamment le passage de doctorants de l’IIHE (Institut Inter-universitaire des Hautes Énergies) commun à l’ULB et la VUB, en Antarctique. À noter : l’IIHE abrite l’un des plus grands centres d’analyse des données IceCube en Europe.

Des particules élémentaires quasi insaisissables

« IceCube a été un double pari », explique le Belge Francis Halzen, chercheur principal d’IceCube et professeur au Wisconsin IceCube Particle Astrophysics Center (WIPAC) de l’université de Wisconsin-Madison, où se situe le siège d’IceCube. « D’abord sur les performances de la technologie, et ensuite sur la sensibilité de l’instrument en tant que télescope à neutrinos ».

Les neutrinos interagissent très peu avec la matière telle que nous la connaissons. Chaque seconde, des milliards de neutrinos traversent notre corps, et même la Terre, avant de poursuivre leur route dans l’espace intersidéral. De temps en temps, un neutrino interagit avec la matière. Dans la glace antarctique, épaisse de plusieurs kilomètres au niveau du Pôle, quand une interaction se produit, elle génère une sorte de lumière bleue, appelée effet Tcherenkov. C’est cette faible luminosité que le télescope IceCube tente de saisir.

Immersion d’une chaine de détecteurs du télescope IceCube © Collaboration IceCube – Cliquez pour agrandir

5160 détecteurs optiques

C’est cela qui explique les dimensions gigantesques de ce télescope des glaces. Pour construire IceCube, 86 trous de près de deux kilomètres et demi de profondeur ont été percés et 86 câbles, contenant chacun 60 détecteurs de lumière de la taille d’un ballon de basket, ont été descendus dans chacun de ces trous. Au final, Ice Cube prend la forme d’un réseau de capteurs intégrés, coulés dans un kilomètre cube de glace, à environ un kilomètre sous la surface de la calotte glaciaire antarctique.

Le 18 décembre 2010, le 5.160e capteur de lumière a été placé dans la glace et la construction de l’Observatoire de neutrinos IceCube a été achevée. Le 13 mai 2011, IceCube a recueilli ses premières données en tant qu’instrument terminé. Depuis lors, IceCube n’a cessé d’observer le cosmos et de collecter des données.

Au cours des premières années, IceCube a enregistré d’énormes quantités de données, mais ce n’est qu’en 2013 que l’observatoire a obtenu ses premiers résultats significatifs. Il a annoncé la première preuve de la présence de neutrinos provenant de l’extérieur de notre système solaire, avec la détection de deux événements de neutrinos à haute énergie et, peu après, l’observation de 26 événements supplémentaires à haute énergie. Depuis, d’autres neutrinos astrophysiques ont été observés.

Vers une version de deuxième génération 

Aujourd’hui, le consortium IceCube est composé d’un groupe diversifié de plus de 350 scientifiques provenant de 53 institutions dans 12 pays sur cinq continents. Cet instrument inhabituel continue d’élargir son champ d’action scientifique, avec des résultats de premier plan dans les domaines des propriétés des neutrinos, de la matière noire, des rayons cosmiques et de la physique fondamentale.

Bien que la pandémie ait légèrement modifié le développement d’IceCube, la mise à niveau du télescope comprend désormais l’ajout de sept chaînes de détecteurs aux 86 chaînes existantes, ajoutant ainsi plus de 700 modules optiques nouveaux et améliorés. Ce développement des capacités du télescope des glaces comprend deux nouveaux types de modules de capteurs. Ils doivent permettre de valider cette technologie en vue d’une future extension dix fois plus grande d’IceCube, appelée IceCube-Gen2.

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