En 1970, Bruxelles comptait presque autant de Français que de ressortissants des autres pays limitrophes de la Belgique. Aujourd’hui, les Français de Bruxelles sont 2,5 fois plus nombreux que les immigrés issus des pays limitrophes, constatent les chercheurs Charlotte Casier et Jean-Michel Decroly, de l’Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire (IGEAT) à l’ULB.
La croissance de la population bruxelloise issues des pays limitrophes est restée modeste de 1990 à 2016 (+ 10.400 habitants). Cette hausse a été suivie par une légère diminution (– 2100 personnes), en lien avec le Brexit qui a entraîné un recul assez marqué du nombre de Britanniques (– 2500 personnes entre 2016 et 2021).
Une présence multipliée par trois en 50 ans
Par contre, entre 1970 et 2021, le nombre de ressortissants de nationalité française établis dans la Région de Bruxelles-Capitale a été multiplié par quasi trois, en passant de 23.000 à 67.000, soit un gain de 44.000 personnes.
Une comparaison avec d’autres métropoles internationales révèle rapidement le caractère très singulier de la présence française à Bruxelles. Seule Londres (84.000 Français) compte plus de ressortissants français que Bruxelles et cette dernière en accueille bien davantage que Montréal (38.000), Genève (33.000) ou encore New York (16.000) et Rome (4000).
Par ailleurs, à Bruxelles, la proportion des Français dans la population totale (5,3 %) est nettement plus élevée que dans les autres métropoles étudiées, où cette proportion ne dépasse pas 1 %, sauf à Montréal (2 %) et à Genève (6,6 %). « Le cas de la ville lémanique est toutefois très particulier, car l’implantation française y est ancienne et combine une logique de proximité de la frontière et une logique d’attractivité à plus longue distance, tant pour les étudiants que pour des personnes hautement qualifiées susceptibles d’occuper des postes dans les institutions internationales implantées sur place », écrivent les chercheurs.
Intégration dans le système des migrations extra-départementales
Quelles sont les raisons qui expliquent l’attrait de la Région de Bruxelles-Capitale pour les ressortissants français? Une série de facteurs sont à prendre en compte, selon les deux auteurs.
La ville jouit d’une bonne accessibilité depuis la France, renforcée depuis 1996 suite à l’ouverture de la ligne ferroviaire Thalys entre Paris et Amsterdam via Bruxelles. La langue dominante y est le français et l’accès aux études supérieures y est plus facile qu’en France. Les prix sur les marchés acquisitif et locatif du logement y sont moins chers qu’à Paris et comparables à ceux de Lyon. Le régime fiscal y est plus favorable pour les ménages à haut revenu. Enfin, Bruxelles se distingue par l’importance de son offre culturelle, ainsi que la diversité et la vivacité de sa vie artistique.
« Malgré la présence d’une frontière internationale, Bruxelles aurait progressivement été intégrée dans le système français des migrations internes extra-départementales », indiquent Charlotte Casier et Jean-Michel Decroly.
10.000 étudiants français à Bruxelles
En ce qui concerne les études supérieures, les établissements bruxellois accueillent environ 10.000 étudiants français. Cette situation résulte d’une forte augmentation des inscriptions françaises entre 2004 et 2014, ce qui correspond partiellement à la période de forte croissance des effectifs français en Région de Bruxelles-Capitale.
Certaines filières sont particulièrement concernées par cette présence, telles que les écoles supérieures des arts, où les étudiants de l’Hexagone représentent 45 % des effectifs, ainsi que dans le domaine de la santé.
A titre de comparaison, les chercheurs estiment à 2000 le nombre d’étudiants issus des autres pays limitrophes poursuivant leur cursus supérieur à Bruxelles. Les chercheurs indiquent encore qu’en 2015-2016, les Français représentaient 13 % des étudiants de l’ULB contre 3 % des autres pays limitrophes, principalement du Luxembourg. À la VUB, seule université néerlandophone de la capitale, les ressortissants des Pays-Bas représentaient à peine 3 % des effectifs de 2019-2020.
« En résumé, il est vraisemblable que pour des jeunes adultes français souhaitant obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur ou un emploi qualifié, sans devoir débourser de montants trop importants pour se loger et tout en bénéficiant des biens et services d’une métropole, Bruxelles fait désormais partie du champ des destinations possibles, au même titre que Paris ou des métropoles régionales comme Lyon, Marseille, Lille, Nantes ou Bordeaux », indiquent les scientifiques de l’ULB.