Spécialiste en immunologie et « Gentleman farmer »

19 juillet 2016
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

Série (2) / « PassionS de chercheurs »
 
Fils de fermier, décrit comme peu doué à l’école secondaire, on ne lui conseillait pas l’université… Résultat: Alain Vanderplasschen a été premier de sa promotion tout au long de ses études de médecine vétérinaire! Aujourd’hui professeur à l’Université de Liège, il poursuit ses recherches en immunologie et vaccinologie.
 
Mais il n’a pas pour autant abandonné la ferme familiale. Appelée « le HautBucquois », et située du côté de Ciney, il continue à y travailler durant son temps libre. Jusqu’à la transformer en une ferme écologique où il vit aujourd’hui.
 
Immunologie mon amour
 
Cette ferme représente un havre de paix. « Quand je suis là-bas, je m’isole de tout, je ferme les écoutilles. La recherche est tellement passionnante que ça peut très vite devenir obsédant », dit-il.
 
Encore étudiant, il est repéré par le professeur Paul-Pierre Pastoret. Fondateur du laboratoire d’immunologie et de vaccinologie de l’Université de Liège, dont Alain Vanderplasschen est maintenant à la tête. « Cette rencontre a totalement bouleversé ma vie », sourit le vétérinaire.
 
Le Pr Pastoret lui propose de venir travailler l’été au laboratoire. Il développe alors pour la recherche un véritable coup de foudre. Avant même de finir ses études, il obtient une bourse au F.R.S.-FNRS et réalise deux thèses. La première, faite à l’Université de Liège, porte sur un herpès virus bovin. La seconde, accomplie à l’Université d’Oxford, avait pour sujet le virus de la vaccine ou « variole de la vache ».
 
« Toute ma carrière est centrée sur les pathogènes », explique-t-il. « J’étudie le système immunitaire en analysant leurs mécanismes développés pour neutraliser la réponse immune de l’animal infecté. C’est un peu comme regarder ce qu’il y a dans la boite à outils d’un voleur pour comprendre les systèmes d’alarmes », compare le scientifique.
 
Aujourd’hui, ses derniers travaux sur un herpès virus infectant la carpe koï lui valent d’être lauréat du prix GSK Vaccines pour la période 2012-2015.
 
La carpe koï sauvée
 
« Un jour en revenant de Tihange, je me suis arrêté dans la campagne aux alentours de la centrale nucléaire. Et là j’ai vu à travers le grillage d’une pisciculture des centaines de poissons morts, tous des carpes koï » raconte le chercheur.
 
Un nouvel herpès virus de poisson décimait cette espèce. Une semaine après, la séquence du génome de ce virus était étudiée.
« Je n’avais jamais rien vu de pareil. Ce génome était énorme, deux fois la taille d’un génome normal d’herpès virus, et sa composition génique était fabuleuse ! » s’exclame le scientifique, qui décide d’étudier ce nouveau virus et de développer un vaccin.
 
Pendant cinq ans, lui et son équipe cherchent à le développer. Leur idée ? Modifier génétiquement le virus en supprimant de son génome les éléments qui lui permettent de tuer. Directement administré dans l’eau, le vaccin stimule ainsi le système immunitaire du poisson, sans causer de maladies.
 
Mais avant d’en arriver à ce résultat, il a fallu répondre à de nombreuses questions. « Une des plus importantes était de savoir où se situait la « porte d’entrée » par laquelle le virus s’infiltrait dans l’organisme des carpes ».
 
Le chercheur propose alors une idée originale, qui lui est venue lors d’une balade nocturne dans sa ferme.
 
« C’était un samedi soir. On remontait à pied avec mon épouse jusqu’à la maison quand on a vu sur le sol des centaines et des centaines de lucioles. Le sol en était rempli, c’était vraiment magnifique » se rappelle-t-il.
« En voyant ça, je me suis dit qu’on pourrait utiliser le gène qui permet à la luciole de s’illuminer et le placer dans le virus. Ainsi, quand un poisson était infecté, les cellules dans lesquelles le virus était entré produisaient de la lumière. Cette approche nous a révélé que la porte d’entrée au virus était la peau du poisson ! ».
 
Une découverte qui a déterminé par la suite toute la vaccination.
 
L’art d’être fermier et ses effets sur la créativité scientifique
 
Sa ferme de 13 hectares représente pour Alain Vanderplasschen une source d’inspiration ininterrompue. Elle lui permet de se libérer l’esprit.
 
« Bien souvent, c’est quand on s’obstine à vouloir trouver une solution que l’on bloque », dit-il. « Je suis certain que s’échapper par moment du monde de la recherche a un effet positif sur ma créativité ».
Cela fait déjà dix ans que les parents d’Alain Vanderplasschen lui ont cédé la ferme. Il y développe une gestion écologique de l’agriculture. Mêlant production agricole et préservation de la nature.
 
« J’ai creusé des mares et laissé certaines zones redevenir marécageuses. Cela a eu un effet immédiat et très impressionnant sur la diversité de la flore et de la faune», indique-t-il. Des arbres à graines ont également été plantés afin de créer un sanctuaire pour les oiseaux.
 
« Mon plus grand plaisir est de me réveiller avant le lever du jour pour pouvoir profiter du chant des oiseaux. C’est une réelle symphonie ! »
 
« Les fermiers sont des gens remarquables et grandir dans une ferme m’a appris plein de choses », souligne-t-il encore.
 
« Dans une ferme, il n’y pas de place pour la supercherie. Soit on est capable, soit on ne l’est pas. Ce métier m’a donné le goût du travail. Et surtout de l’excellence. Quand on doit faire une chose mille fois, on doit la faire à chaque fois du mieux qu’on peut ».
 
Des qualités qui lui sont aujourd’hui précieuses… dans son métier de chercheur et de professeur à l’Université.
 

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