Série (2/2) Atelier d’été du Trail
Quelques septante chercheurs du Trail (l’ambitieux programme wallon dédié à l’intelligence artificielle), viennent de passer deux semaines à l’Université de Nantes pour un vaste atelier collaboratif d’été. Avec le soutien du service Recherche et Innovation de Wallonie-Bruxelles International, ces spécialistes de l’IA ont planché sur toute une série de projets de recherche aux applications concrètes.
C’est en 2020 que l’initiative Trail a été lancée par le gouvernement wallon. A l’occasion de l’atelier d’été, les trois présidents successifs du Trail, les Prs Benoît Macq (UCLouvain), Thierry Dutoit (UMons) et Gianluca Bontempi (ULB) s’étaient donné rendez-vous à Nantes. L’occasion de faire le point.
Où en est le Trail après trois années de fonctionnement?
« Parmi les objectifs que nous nous étions fixés au début du programme, certains ont déjà été brillamment atteints, dont celui, d’avoir créé une communauté de chercheurs en intelligence artificielle en Wallonie », indique Benoît Macq.
« Nous avons également réussi à briser les murs qui pouvaient exister entre les différents laboratoires universitaires travaillant sur l’intelligence artificielle, mais aussi, voire surtout, avec les centres de recherche agréés (Multitel, Sirris, Cenaero et Cetic). »
« Nous avons désormais une vraie communauté de spécialistes qui se connaissent, qui se parlent et qui travaillent ensemble sur divers projets. Et nous avons aussi toute une série de thésards, dont certains ont déjà été embauchés par des entreprises. Nous allons disposer à terme d’un réseau de jeunes spécialistes en intelligence artificielle, qui se connaissent bien, qui sont intégrés dans les entreprises de la Région wallonne et qui vont se renforcer les uns les autres au fil du temps. »
Comment les entreprises sont-elles impliquées dans cette initiative?
« On voulait aussi donner un caractère plus opérationnel avec l’initiative Trail Factory. Un canal fluide a été développé entre les recherches qui se font dans les laboratoires et leurs usages les plus immédiats. Mais il demande encore un peu de musculation », estime le Pr Macq.
« Nous organisons déjà beaucoup de choses à destination des entreprises », souligne de son côté le Pr Thierry Dutoit (UMons), deuxième président de Trail, qui vient de clôturer son mandat présidentiel. « Je pense notamment aux ateliers sectoriels, durant lesquels nous réfléchissons au développement de projets potentiels. Nous y faisons connaître ce que nous étudions, la nature de nos développements scientifiques, les grands défis auxquels nous nous attelons. Par exemple le couplage entre modélisation et l’IA dans un contexte d’impression 3D. L’objectif étant d’imprimer de manière plus efficace, de livrer des objets présentant moins de défauts, donc de générer moins de déchets en fin de processus industriel. »
« Un autre grand défi auquel nous travaillons concerne l’élaboration de jumeaux numériques », relève la Pr Gianluca Bontempi, de l’Université libre de Bruxelles, qui vient de prendre la présidence de Trail. « Par exemple dans le secteur de la construction. En couplant l’IA aux simulations, cela permet de mieux cerner la circulation de l’air, donc de mieux gérer les flux de chauffage ou de refroidissement dans un bâtiment. Avec à la clé des économies d’énergie. »
Trail bénéficie d’un financement wallon de quatre ans. Que deviendra cette initiative dans les années qui viennent?
« Une prolongation de deux ans est prévue », indique le Pr Bontempi. « L’implication de l’écosystème devrait permettre d’aller de l’avant. A ce stade, ce qui restera de cette initiative, si elle devait s’arrêter, c’est l’humain, les ressources humaines de grande qualité qu’elle a déjà permis de générer. »
« Le réseau de chercheurs qui s’est développé autour de l’IA en Wallonie et à Bruxelles est un label unique. Il se compose de jeunes chercheurs aux compétences multiples, aux idées fraîches, qui se connaissent. C’est tout bénéfice pour l’ensemble de notre écosystème. »
« Ils aident les entreprises qui ont des problèmes à les résoudre et à les formaliser de manière scientifique. Souvent, ce qui est difficile, c’est d’amener les entreprises à comprendre que les données dont elles disposent ont de la valeur et qu’elles peuvent en tirer part grâce à l’intelligence artificielle. Ce cheminement est difficile à faire quand on n’a pas une vision qui intègre la recherche et la démarche scientifique. Nos chercheurs peuvent les y aider. »
« Et ce ne sont pas les applications à la mode qui sont ici les plus intéressantes, mas bien les ”digital twins”, les jumeaux numériques. Ils sont susceptibles de déboucher sur des applications bénéfiques pour notre tissu économique local », martèle le Pr Bontempi.
« Un autre atout de Trail pour les entreprises, c’est la veille technologique que nous réalisons. Peu d’entreprises peuvent se le permettre. »
Quelle est la plus-value d’un atelier d’été de deux semaines tel celui qui vient d’avoir lieu à Nantes?
« Avant tout, cela crée des liens forts entre les participants. Dix jours à Nantes, à travailler ensemble sur des thématiques communes, mobilisant plusieurs types d’experts, cela développe des liens pour la vie », estime le Pr Macq.
« Cela permet aussi de découvrir une région, un campus, des manières de travailler qui sont différentes des nôtres. Ces contacts avec nos collègues nantais, mais aussi avec ceux de Montréal dans un mois, permettent de construire des réseaux qui affichent une masse critique. Cela crée de la visibilité pour nos chercheurs, pour les partenaires du Trail, pour la Wallonie. Cela nous permet de montrer plus largement les savoir-faire de nos territoires et, bien entendu, de développer des compétences complémentaires », conclut-il.
Trail en chiffres (2022)
290 chercheurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont été impliqués dans l’un ou l’autre projet de recherche liés au Trail.
66 articles scientifiques ont été publiés par les chercheurs payés par l’initiative Trail sur un total de 298 articles scientifiques cosignés également par des partenaires.
40 entreprises impliquées.
62 projets de recherche en cours.