Durant près de deux millénaires, les communautés humaines ont fabriqué leurs objets du quotidien en bronze, un alliage doré rappelant l’or, généralement composé de 90% de cuivre et de 10% d’étain. Toutefois, aux alentours de 1000 ans avant notre ère, un autre métal s’impose : le fer.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le passage de l’âge du bronze à l’âge du fer ne s’est pas produit par la découverte de ce matériau, ou de nouvelles techniques de fabrication (en tout cas, pas initialement). Cette transition est, en réalité, due à un contexte sociopolitique et climatique spécifique, qui incite les sociétés de l’époque à changer de méthodes.
Du travail du fer contemporain à celui du bronze
L’âge des métaux, période comprise entre la Préhistoire et l’Antiquité, voit la métallurgie du bronze et du fer révolutionner progressivement la vie des communautés humaines. « L’âge du bronze et l’âge du fer sont des périodes qui correspondent à des moments de l’Histoire où les objets du quotidien étaient massivement fabriqués dans tel ou tel matériau », rappelle Justin Coppe, postdoctorant FNRS au TraceoLab, Centre de recherche en préhistoire de l’ULiège, lors de la conférence « Métallurgie : la crise du 13e siècle avant Jésus-Christ ».
Pour autant, la métallurgie du bronze ne disparaît pas complètement au cours de l’âge du fer. A noter également qu’il existe déjà des traces du travail du fer durant l’âge du bronze. De petites perles en fer météoritique (provenant de météorites) ont ainsi été trouvées en Egypte sur un collier datant de 3200 av. J.-C. « En Europe, les plus anciennes traces de fer travaillé ont été trouvées en France. Il s’agit d’une cheville datant de 1500 av. J.-C. qui servait à maintenir en place une hache en bronze à son manche. »
Il faudra, toutefois, attendre plusieurs siècles avant que le fer ne domine le bronze, jugé plus facile à travailler pour produire des armes et des outils.
L’effondrement de l’âge du bronze
Les sociétés de l’époque sont contraintes de se tourner vers l’exploitation du fer en raison de la crise qui frappe le bassin méditerranéen et le Proche-Orient à la fin du 13e siècle avant notre ère. A cette époque, la région abrite de grandes puissances, comme la civilisation mycénienne, et les Empires hittite, assyrien, babylonien et égyptien. Des liens commerciaux (et politiques) s’établissent à large échelle pour assurer un approvisionnement suffisant en cuivre et en étain (nécessaires à la fabrication du bronze), dont les mines sont alors peu nombreuses et assez dispersées.
« Les archives de l’époque démontrent qu’on échange des biens à travers toute la Méditerranée », atteste le Dr Coppe. « La cargaison d’une épave découverte en 1982, et datant de cette période, contenait des objets provenant de sept pays. Parmi ces biens, on retrouve notamment dix tonnes de cuivre ainsi qu’une tonne d’étain, issus de gisements d’Asie centrale et de l’Empire hittite. Quant au cuivre, il provenait essentiellement de Chypre. »
Entre 1250 et 1150 av. J.-C., la région est frappée par plusieurs événements qui conduisent à l’effondrement ou au déclin rapide de nombreux empires. « On sait que la région connaît à cette période une diminution drastique des quantités de précipitations. Une sécheresse qui conduit à une perte de production dans les champs, à de potentielles famines, et à des déplacements importants de populations. Et c’est probablement ce contexte qui explique les invasions des « peuples de la mer ». »
Cette alliance de plusieurs tribus étrangères est connue pour avoir sillonné la Méditerranée et harcelé de nombreux états, dont très peu se relevèrent de leurs attaques.
Le fer, une alternative qui finit par s’imposer
« À la suite de la chute ou de la déstabilisation de ces états, les relations diplomatiques et commerciales se désorganisent, puis s’effondrent. Les ressources en étain, qui étaient déjà rares, ne sont plus accessibles, et la production du bronze devient très compliquée. En conséquence, les sociétés, et en premier celles du Proche-Orient, se dirigent vers une autre ressource connue et particulièrement abondante : le fer. »
Par la force des choses, les humains améliorent leurs techniques de production pour fondre ce métal jusque-là négligé. Se faisant, ils découvrent que le fer présente des capacités supérieures à celles du bronze, surtout pour la réalisation d’outillage agricole. Le fer étant moins cassant et plus facile à mettre en forme.
« La première utilisation massive du fer pour fabriquer les objets du quotidien se note en Anatolie (actuelle Turquie) vers -1200 ans. Son utilisation se diffusera progressivement vers l’ouest et atteindra l’Europe centrale vers -950 ans, puis la France, l’Espagne et l’Angleterre vers -700 ans. »
Même si les réseaux de circulation d’étain et de cuivre se rétablirent en Méditerranée après la crise, un nouvel âge des métaux était né. Le bronze sera, par la suite, relégué à la production d’objets décoratifs, quand le fer – de même que l’acier et la fonte – s’imposera définitivement. Et ce, jusqu’à nos jours.