Prise de sang réalisée dans le cadre du projet de biomonitoring humain wallon (BMH-Wal) © ISSeP

PFAS, plomb, cadmium, mercure : la santé des Wallons est menacée

20 février 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Le corps des Wallonnes et des Wallons est un réceptacle à polluants environnementaux, des substances chimiques présentes dans l’air, l’eau, le sol, les aliments. Les résultats de la troisième phase du projet de biomonitoring humain wallon (BMH-Wal), réalisé par l’ISSeP, viennent d’être rendus publics. Sur 62 biomarqueurs recherchés, 52 ont été détectés et 47 atteignent des valeurs de référence. Plus précisément, les taux observés, dans l’urine et le sang, de PFAS, de cadmium, de plomb et de mercure présentent des risques pour la santé.

Le projet BMH-Wal, en cours depuis 2019, a été scindé en trois phases successives, ciblant des tranches d’âge différentes. La phase 1 a concerné des échantillons de sang de cordon de nouveau-nés ainsi que des prélèvements de sang et d’urine collectés chez des adolescents de 12-19 ans et d’adultes de 20-39 ans. La phase 2, quant à elle, s’est concentrée sur les enfants de 3 à 11 ans, et seuls des échantillons d’urine ont été collectés et analysés. La troisième phase, dont les résultats viennent d’être dévoilés, se focalise sur les échantillons de sang et d’urine de 302 adultes âgés de 40 à 59 ans.

Si jeunes et déjà contaminés

Ces différents biomonitorings permettent de comparer l’imprégnation aux polluants des enfants, adolescents et adultes.

« C’est chez les enfants que l’on retrouve les concentrations les plus élevées de métaux, de pesticides récents, de bisphénols A et S et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) », mentionne Aline Jacques, responsable de projet à l’ISSeP (Institut Scientifique de Service Public).

Différentes hypothèses sont proposées pour expliquer cette situation. « Tout d’abord, le contact main-bouche est plus fréquent chez les enfants. La quantité de nourriture ingérée par rapport à leur poids corporel est plus importante. Leur fréquence respiratoire étant plus élevée, ils sont davantage exposés aux polluants atmosphériques. Ils passent aussi beaucoup de temps à l’extérieur, ce qui pourrait expliquer leur imprégnation en pesticides récents », analyse-t-elle.

Les adultes ont du plomb dans l’aile

Concernant les adultes, c’est dans leur urine et dans leur sang que l’on retrouve les teneurs les plus élevées en cadmium, plomb et mercure, mais aussi en pesticides anciens, PFAS et PCBs.

« Le cadmium et le plomb sont des métaux qui s’accumulent au cours de la vie. La concentration en mercure pourrait s’explique par la plus grande fréquence de présence d’amalgames dentaires chez les adultes que chez les enfants. Quant aux pesticides anciens, aux PFAS, aux PCBs, tous sont des polluants persistants qu’il est quasi impossible d’éliminer du corps  », explique Aline Jacques.

Les PFAS, on n’a pas fini d’en parler

Les PFAS se retrouvent notamment dans l’eau du robinet de certaines communes wallonnes et dans de nombreux objets de la vie quotidienne (emballages alimentaires, peinture, poêles antiadhésives, alimentation). On les appelle aussi polluants éternels, tant ils s’accumulent dans l’air, le sol, les rivières et dans le corps humain sans espoir de les voir partir.

Sept biomarqueurs d’exposition ont été recherchés dans le sang des Wallons, une matrice qui donne un éclairage sur leur exposition récente et passée à ces molécules. Si l’on regarde la somme de ces 7 PFAS, 94% des adultes dépassent la valeur seuil de référence sanitaire de 2 µg/L et 1% celle de 20 µg/L. « Entre 2 et 20 µg/L, il y a des risques d’effets indésirables sur la santé, particulièrement chez les personnes à risque. Et au-dessus de 20 µg/L, ce risque est accru», précise Aline Jacques.

Parmi les affections sanitaires qui pendent sous le nez des Wallons, citons les maladies thyroïdiennes, les atteintes du foie et du système immunitaire, les cancers du testicule et du rein, les problèmes de cholestérol.

« Dans les zones où des teneurs de 2 à 20 µg/L ont été mesurées, les personnes à risque doivent bénéficier d’un suivi personnalisé. Il s’agit des femmes enceintes et allaitantes, des enfants, des malades chroniques, des personnes avec des déficits immunitaires. C’est en colloque singulier avec son médecin qu’il convient d’établir le suivi adéquat », explique Yves Coppieters, ministre wallon de la Santé et de l’Environnement (Les Engagés).

Les résultats des analyses de sang et d’urine ont été communiqués mardi 18 février 2025 aux personnes monitorées, et une information a été donnée aux médecins généralistes.

« Parmi la centaine de pesticides utilisés en Wallonie, 31 contiennent des PFAS. Il n’est pas de ma compétence de les interdire, mais je peux limiter leur utilisation. A court terme, notre projet est d’obtenir des décrets beaucoup plus ambitieux quant aux normes concernant la protection des captages, et des environs des collectivités, notamment les maisons de repos, les écoles, etc. Et puis, petit à petit, de convaincre mes collègues au gouvernement que ces pesticides peuvent être remplacés par d’autres solutions », poursuit Yves Coppieters.

Aline Jacques (première en partant de la gauche) et Yves Coppieters (troisième en partant de la gauche) © Laetitia Theunis

Réduire l’usage des produits de synthèse

« Si les imprégnations wallonnes aux différents polluants analysés dans le cadre de cette étude sont globalement du même ordre que dans d’autres pays européens – voire inférieures pour les substances qui ont subi, ces dernières années, des restrictions au niveau belge ou européen -, il faut qu’on aille beaucoup plus loin. Pour mieux protéger notre santé, il est nécessaire de mieux connaître notre environnement, ainsi que les différentes pollutions dans les matrices humaines (sang, urine, cheveux NDLR). C’est en nous basant sur ces données scientifiques que nous pourrons prendre les décisions adéquates en matière de régulation et d’interdiction de substances dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, des produits de consommation et de l’alimentation. Notre responsabilité est donc de limiter au maximum l’exposition à tous ces polluants. Et de les réduire, autant que possible, à la source.  Et ce, afin de diminuer leur impact sur l’environnement et sur la santé », explique le ministre wallon de la Santé et de l’Environnement.

Et de conclure, « l’idée est véritablement de réunir la santé et l’environnement dans des stratégies communes. Au niveau wallon, ces dynamiques s’inscrivent dans le plan “ environnement – santé ” qui sera tout bientôt présenté au gouvernement. »

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