Des traces d’atomes libres de fer et de nickel. Voilà la composition chimique surprenante de l’atmosphère froide de comètes éloignées, laquelle a été mise en exergue par des chercheurs de l’Unité de recherches STAR de l’ULiège, à l’aide de données du Very Large Télescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO). Cette découverte pourrait apporter de nouvelles informations sur la formation des comètes et la naissance de notre système solaire.
Un environnement froid
« Les comètes se sont formées il y a environ 4,6 milliards d’années, dans le très jeune système solaire, et n’ont, depuis lors, subi quasi aucune transformation. En ce sens, elles sont comme des fossiles pour les astronomes et fournissent des informations sur les premiers stades du système solaire, avant la formation des planètes », explique Dr Emmanuel Jehin, maître de recherches FNRS.
Alors que les spectres optiques des comètes sont étudiés depuis des décennies, personne n’avait jusqu’à alors repéré la présence de nickel et de fer dans leur atmosphère. Avant cette étude, des métaux, notamment dits lourds, n’avaient été observés à l’état gazeux que dans des environnements très chauds. Par exemple, dans l’atmosphère d’exoplanètes ultra-chaudes ou de très rares comètes érodées par un passage trop près du Soleil.
Dans les comètes, les métaux sont présents dans leur cœur rocheux. Initialement en phase solide, ils ne se “subliment” (c’est-à-dire deviennent gazeux) généralement pas à basse température. C’est pourquoi il est surprenant de détecter ces vapeurs de nickel et de fer dans l’atmosphère de comètes à plus de 500 millions de kilomètres du Soleil (soit plus de trois fois la distance de la Terre au Soleil), dans des zones peu réchauffées par ses rayons et où, dès lors, règne le froid.
Des éléments présents en trace
L’équipe a utilisé le spectroscope UVES (Ultraviolet and Visual Echelle Spectrograph) du VLT de l’ESO pour analyser l’atmosphère des comètes à différentes distances du Soleil. Cette technique permet aux astronomes de révéler la composition chimique des astres observés : chaque élément laisse une signature unique – un ensemble de raies – dans le spectre de la lumière des objets étudiés. L’équipe liégeoise a pu identifier le fer et le nickel parmi la forêt de raies apparaissant sur les spectres UVES.
Dans l’atmosphère des comètes éloignées du Soleil, une très faible quantité de métaux est émise. En effet, les chercheurs estiment que pour 100 kg d’eau, il n’y a que 1 g de fer, et à peu près la même quantité de nickel.
Un matériau particulier
« Habituellement, il y a 10 fois plus de fer que de nickel dans les objets du système solaire, mais dans l’atmosphère de ces comètes, nous avons trouvé à peu près la même quantité des deux éléments. Nous en avons conclu qu’ils devaient provenir d’un type particulier de matériau à la surface des noyaux de comètes, se sublimant à une température assez basse », explique Dr Damien Hutsemékers, astrophysicien et directeur de recherches FNRS à l’ULiège.
Bien que l’équipe ne soit pas encore certaine de la nature de ce matériau, les progrès de l’astronomie instrumentale – comme l’imageur et le spectrographe METIS (Mid-infrared ELT Imager and Spectrograph) du futur Extremely Large Telescope (ELT) de l’ESO – devraient permettre aux chercheurs d’affiner les connaissances sur la source des atomes de fer et de nickel présents dans l’atmosphère de ces comètes.
« Désormais, d’autres équipes vont rechercher ces raies et celles des autres métaux dans leurs données d’archives obtenues avec d’autres télescopes », se réjouit Emmanuel Jehin. « Nous pensons que cela va déclencher de nouvelles études théoriques et en laboratoire sur le sujet », conclut-il.