Le Muséum des Sciences Naturelles, à Bruxelles, vient de recevoir, expédié en quatre grosses caisses en bois, un spécimen de dinosaure qui manquait à ses collections. Le petit nouveau, un « Platéosaure », provient de Suisse et est arrivé en pièces détachées. Ou plus exactement en « blocs » de plâtre.
Le fossile est en effet encore brut, prisonnier de sa gangue de pierre. Chaque morceau a été soigneusement prélevé dans la carrière de Frick (Canton d’Argovie) avec ses sédiments. Pièce par pièce, ces fragments ont été emballés dans du papier aluminium, puis entourés d’une protection en plâtre.
Un prêt permanent du musée suisse
Stockés dans un premier temps au musée des dinosaures de Frick, ces blocs sont aujourd’hui nettoyés à Bruxelles. « Le puzzle est énorme, on pense que ce dinosaure, une fois assemblé, devrait avoir environ 6 mètres de long », précise Gérard Cobut, muséologue.
Le spécimen a été prêté de manière permanente à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB). A sa charge de le nettoyer, de l’étudier et de l’assembler. C’est ce que font désormais en coulisse une équipe de techniciens, sous la conduite du Dr Pascal Godefroit, paléontologue à l’Institut.
210 millions d’années
« Une des caractéristiques du Platéosaure est d’être le premier des « grands » dinosaures », explique le Dr Godefroit. Il date de quelque 210 millions d’années et était herbivore. Peut-être même omnivore, suppute-t-il, en regardant les dents de la tête d’un autre spécimen (un moulage) venu lui d’Allemagne.
Actuellement, une patte est en cours de dégagement. Le travail devrait durer un an et demi. Le spécimen ne sera présenté au public qu’au cours de la seconde moitié de 2017.
« Nous savons que des fragments de la tête se trouvent dans les blocs que nous devons encore traiter », indique Pascal Godefroit. Nous savons aussi que le crâne est désarticulé. Peut-être trouverons-nous même des fragments fossilisés appartenant à deux individus? »
A découvrir dans la galerie des Dinos en 2017
« Plateosaurus est particulièrement intéressant pour notre Galerie des Dinosaures, parce qu’il s’agit d’un des premiers grands dinosaures qui aient habité notre planète. Il illustre parfaitement les changements écologiques des faunes vertébrées lors du passage du Trias au Jurassique, suite au démantèlement de la Pangée. Le squelette original de Plateosaurus s’intègrera donc parfaitement dans la troisième zone de notre salle consacrée à l’évolution des dinosaures et renforcera également le thème transversal consacré aux sauropodes », indique-t-on au Muséum.
La Région de Bruxelles-Capitale a mis la main au portefeuille pour faire venir ce nouveau dino aux Sciences Naturelles. « La Région intervient à hauteur de 50.000 euros », indique Camille Pisani, la directrice de l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique. « Le budget global de cette opération est de l’ordre de 120.000 euros », précise-t-elle.
Une bonne opération pour le musée? Oui et non. D’un point de vue scientifique et muséal, ses collections s’enrichissent d’un nouveau spécimen. Mais d’un point de vue économique, c’est une opération neutre. Le Platéosaure sera exposé dans la galerie des dinos du Muséum. Une salle accessible à tous les visiteurs, sans supplément de prix. D’où le coup de pouce bienvenu de la Région, notamment.
La carrière de Frick, un « Bernissart » dans les Alpes
La carrière de Frick est un gisement exceptionnel de dinosaures de la fin du Trias (il y a environ 210 millions d’années). Ces 40 dernières années, plus de 30 squelettes de Plateosaurus y ont été mis au jour.
Si les premières découvertes ont pour la plupart été accidentelles, plusieurs fouilles systématiques ont été planifiées et effectuées depuis 1976. Le riche matériel découvert récemment nous a permis de mieux comprendre l’anatomie et le mode de vie du Plateosaurus.
Après Bernissart (près de Mons en Belgique, lieu de découverte des Iguanodons en 1878), Frick est un des sites les plus riches en termes de concentration de squelettes articulés de dinosaures en Europe. Ces dinosaures se sont probablement embourbés dans les vastes zones marécageuses qui recouvraient cette région à la fin du Trias.