Un ancien quai de la Senne ainsi qu’une section de la rivière qui coulait à l’époque à cet endroit ont été mis au jour lors de fouilles menées, il y a deux ans, en plein cœur de la capitale belge. Des restes de pots en céramique, des dagues et des poignards, des ossements de nombreuses espèces d’animaux, des fragments de nasses tressées, des deniers d’argent et autres monnaies… Ce sont de multiples pans de la vie bruxelloise au Moyen Âge qui sont sortis de terre ces dernières années. Le sous-sol s’étant montré généreux avec les archéologues, une exposition temporaire consacrée à leurs découvertes vient de s’ouvrir aux Halles Saint-Géry, non loin du site intensément fouillé.
Baptisée « Down in the river », l’exposition raconte principalement la vie bruxelloise des 13e et 14e siècles autour de diverses thématiques : l’alimentation des Bruxellois, leurs armes, leurs loisirs, le commerce… Certains pots en grès témoignent même des débuts de la ville au 10e siècle.
Les fouilles ont été réalisées par les archéologues d’Urban.brussels, le Service régional en charge de l’urbanisme et du patrimoine, avec l’aide, notamment, du CreA-Patrimoine de l’ULB, de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et de l’Institut royal du patrimoine artistique.
La Senne, vecteur de l’histoire sociale et économique
« La Senne, la rivière qui traverse le centre de Bruxelles, a été un vecteur important de l’histoire sociale et économique de la ville », rappellent les archéologues.
« C’est ce qui explique que de très nombreux objets, relevant d’une multitude d’artisanats et de matériaux différents, ont été découverts dans son lit ainsi que sur son ancienne berge orientale. »
« À partir du 12e siècle, les berges de la rivière sont progressivement aménagées. Dès le 14e siècle, un quai en dur est construit en pierre calcaire, sur des pieux en bois. Il est alors percé en plusieurs endroits pour donner accès à l’eau (escaliers, cale). La place qui le borde devient le centre de gravité du commerce fluvial. On y trouve une grue en bois et une balance employées pour décharger et peser les marchandises qui arrivent par la rivière. Au 15e siècle, la Senne est recreusée ».
Sous le parking, la vie de jadis
Situé à quelques dizaines de mètres de la Bourse, le site archéologique a été découvert en 2019, après la destruction du Parking 58, un héritage de l’Expo 58 et de la politique du tout à la voiture de l’époque.
Les impressionnants terrassements qui ont suivi entre les rues de la Vierge Noire, du Marché aux Poulets, des Halles et de l’Evêque, en vue de la construction du nouveau centre administratif de la Ville de Bruxelles, ont mis au jour ce site hors norme (6.000 mètres carrés).
La profusion des découvertes a conduit le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale à prendre un arrêté accordant un délai supplémentaire aux recherches archéologiques, portant la durée totale des interventions archéologiques à six mois.
« Down in the river » s’attelle à remettre en contexte une partie des pièces les plus marquantes retrouvées lors de ces fouilles. C’est que jadis, on jetait de tout dans les eaux de la Senne. Ou qu’on y perdait malencontreusement ses biens précieux, comme les deniers d’argent, une bourse dont le fermoir métallique a traversé les siècles, ou encore des écussons de harnais.
Des fragments d’ardoises et des stylets métalliques rappellent qu’à l’époque, on calculait les justes prix, qu’on payait, qu’on marchandait. Des peignes en os, des résidus de façonnage de l’ambre, des chaussures en cuir, dont une étonnante chaussure gauche d’enfant du 15e siècle munie d’une boucle, mettent en lumière la vie des Bruxellois.
L’amour du jeu
Une section de l’exposition consacrée aux loisirs offre également un autre regard sur le quotidien des citadins.
Pour lâcher prise, se détacher du train-train, se détendre, s’amuser… les Bruxellois aimaient jouer. « Des pièces de jeux retrouvées dans l’ancien lit de la Senne sont loin d’être exclusivement dédiées à l’enfance », détaillent les archéologues.
« Lorsqu’ils arrêtent de travailler, les adultes jouent pour se retrouver, partager un moment convivial. Les occasions de se divertir n’étant pas nombreuses au Moyen Âge, les jeux de société créent de véritables interactions entre les joueurs. Ils renforcent les liens sociaux ou familiaux, permettent de développer la communication, la mémoire, la logique. »
Les pièces de jeux d’échec, les dés, les dominos, les billes, les palets et autres jetons en attestent. « Ils sont souvent simples et fabriqués à partir d’objets usés en os, bois, terre cuite, pierre », précise « Down in the river », qui en offre de nombreux exemples.