L’Union européenne s’est fixée comme objectif d’affecter à la recherche (fondamentale et appliquée) et au développement (R&D) quelque 3% de son PIB à l’horizon 2020. La Belgique a embrayé. « Bruxelles n’atteindra pas cet objectif », souligne en substance le Pr Hervé Devillé, Docteur en Sciences Economiques de l’Université Libre de Bruxelles et professeur à l’Université Catholique de Lille.
Dans l’étude qu’il vient de publier dans « Brussels Studies » (la revue scientifique électronique consacrée aux recherches sur Bruxelles), il montre que les dépenses publiques et privées en R&D dans la capitale de l’Europe ne s’élèveront qu’à 1,9 % du PIB d’ici six ans. D’après ses estimations, ce sera la seule Région du pays à ne pas atteindre l’objectif européen.
4,27 % du PIB wallon consacrés aux dépenses de R&D en 2020
Selon les calculs du Pr Devillé, par ailleurs chercheur associé à la Solvay Brussels School – Economics & Management de l’ULB, la Région flamande dépassera l’objectif européen (3,05%). Et la Région wallonne fera encore mieux.
La Wallonie consacrera 4,27% de son PIB à la R&D en 2020. Un chiffre élevé qui s’explique par la croissance importante des dépenses privées en R&D (3,61% du PIB). « Une croissance soutenue par les moyens additionnels mis à disposition par les plans Marshall 1 et 2.vert », écrit le chercheur.
Le concept de « Région élargie » pour Bruxelles
L’économiste s’appuie, pour son étude, sur la notion de « Région élargie ». Ce concept permet une répartition territoriale des dépenses en R&D des autorités publiques dont l’assise territoriale dépasse celle des régions.
La Communauté flamande, la Communauté française et l’Etat fédéral contribuent chacun à sa manière aux investissements en R&D à Bruxelles, aux côtés de la Région de Bruxelles-Capitale. Les Communautés financent par exemple l’enseignement et l’Etat fédéral, quant à lui, soutient les établissements scientifiques fédéraux, de recherche spatiale, l’organisation de réseaux d’échange de données etc.
Les dépenses « territorialisées » des communautés et de l’autorité fédérale additionnées aux dépenses propres des régions constituent l’ensemble des dépenses publiques des « régions élargies » qui ont servi aux calculs du Pr Devillé.
91 % des dépenses publiques à Bruxelles sont extérieures à la Région
En 2011, le total des dépenses publiques en R&D de la Région bruxelloise élargie était composée de 8,6% de dépenses propres à la région et de 91,4% de dépenses imputées en provenance des autres entités fédérées dont 51,4% en provenance de la Fédération Wallonie Bruxelles (FWB), 26,1% de la Communauté flamande et 13,9% des autorités fédérales.
« En matière de dépenses publiques consolidées, les dépenses en Région de Bruxelles-Capitale atteindraient, si on maintient le taux de croissance de 6,25% observé entre 2005-2011, 0,87% du PIB en 2020 », estime le Pr Devillé. A cet effort, le chercheur ajoute l’investissement du secteur privé : 1,02% du PIB en 2020 pour les dépenses en R&D.
Dans le cadre des hypothèses retenues dans cette étude, il apparaît que la Région bruxelloise n’atteindrait dès lors, globalement, qu’une intensité de 1,9% du PIB en 2020 pour sa R&D. « Et ce essentiellement suite à une insuffisance des dépenses privées sur le territoire régional », écrit Hervé Devillé.
Au niveau national, la Belgique atteindrait tout de même l’objectif de 3% en 2020 grâce aux compensations, particulièrement en terme de dépenses privées, entre les régions wallonne et bruxelloise.
Ce dernier point soulève évidemment la question des limites administratives de la Région bruxelloise. « Si on réfléchissait dans un cadre métropolitain, on aurait bien sûr une tout autre vision des choses, une part non négligeable de la R&D en Région wallonne mais aussi flamande, étant localisée dans les deux Brabant », indique-t-il.