L’avion garde-côte survolant les eaux territoriales belges ©IRSNB/UGMM

Les gaz toxiques azotés, davantage émis par les navires de nouvelle génération

23 janvier 2023
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min

Les navires récents polluent davantage que les bâtiments plus âgés, et dépassent quelquefois les normes sanitaires. Cette conclusion est le fruit de mesures atmosphériques aériennes de composés azotés (NOx) menées par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) au-dessus des eaux territoriales belges. Un régime moteur trop faible est notamment pointé du doigt.

Le transport maritime est l’un des principaux contributeurs aux émissions de NOx à l’échelle mondiale. Dans la mer du Nord et la Manche, la densité du trafic maritime est parmi les plus élevées au monde. De plus, les voies de navigation très fréquentées y sont proches de côtes densément peuplées. Afin de protéger les populations qui y vivent des effets néfastes des NOx sur leur santé (irritation des voies respiratoires, particulièrement les bronches et augmentation du risque de pathologie cardiovasculaire), mais aussi pour sauvegarder les milieux maritimes fragiles de l’eutrophisation, ces deux zones maritimes ont été reconnues comme zones de contrôle des émissions de NOx (NECA).

Zone de contrôle des émissions de NOx définie par MARPOL © Van Roy W. et al, Atmospheric Pollution Research, 2022

Un seuil fixé selon l’âge du navire

Cette notion a été introduite dans la règle 13 de l’annexe VI de la convention MARPOL de l’Organisation maritime internationale (OMI). Dans les NECA, des limites d’émission plus strictes pour les polluants atmosphériques sont fixées en fonction de la date de construction des navires. Cette législation est entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

« À l’instar des voitures, pour lesquelles les normes Euro sont définies en fonction de l’année de construction, les limites internationales d’émission de NOx dans le secteur maritime sont divisées en différents niveaux, aussi appelés « Tiers ». Le niveau 0 s’applique aux navires construits avant 2000, le niveau I aux navires construits entre 2000 et 2010, le niveau II entre 2011 et 2020, et le niveau III à partir de 2021 », explique Ward Van Roy, scientifique à l’IRSNB.

« Les navires plus récents doivent respecter des normes d’émission plus basses que les bâtiments plus anciens. Il est ainsi attendu que, dans la zone NECA, les navires de Tier II et de Tier III émettent respectivement 20% et 80% moins d’azote que les navires Tier I. »

Le Service Scientifique de l’Unité de Gestion des Modèles Mathématiques de la Mer du Nord (UGMM) de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique est reconnu par la loi belge comme l’une des autorités légalement compétentes pour la surveillance et l’application des réglementations MARPOL.

Dépassements interpellants

Bien qu’avant 2021, la mer du Nord n’était pas encore reconnue comme une NECA, les opérations de surveillance des NOx ont commencé en juillet 2020. L’étude, dont il est question ici, compile les mesures réalisées jusqu’en novembre 2021.

En 2020, l’IRSNB a équipé l’avion de surveillance maritime belge d’un capteur reniflant les NOx. Cette mesure s’ajoute à celle de la concentration de divers polluants atmosphériques, dont le dioxyde de souffre. Cet avion au nez fin étant fréquemment déployé dans le cadre des missions de la Garde côtière, la Belgique se présente comme pionnière dans la lutte internationale contre la pollution atmosphérique des navires en mer.

Entre 2020 et 2021, les émissions d’azote de pas moins de 1407 navires ont été surveillées pendant 127 heures de vol. 59 de ces navires ont montré des valeurs nécessitant une analyse plus approfondie.

« Globalement, les normes d’émission sont respectées. Toutefois, contre toute attente, pour les navires plus récents (Tier II), qui doivent donc répondre à des normes plus strictes, la valeur moyenne d’azote était en réalité plus élevée que celle des navires plus anciens (Tier I et Tier 0). En outre, un plus grand nombre de navires Tier II ont été observés avec des valeurs d’émissions de NOx qui avaient dépassé le seuil prédéterminé dans la convention MARPOL », analyse Ward Van Roy, opérateur de la surveillance aérienne pour l’UGMM.

Un régime moteur trop faible

Pour expliquer cette observation, il met, notamment, en avant les effets négatifs de la faible puissance utilisée par les navires. « Dans la partie belge de la mer du Nord, en raison du trafic intense et en vue de l’optimalisation des voyages par rapport à l’heure estimée d’arrivée en port, les navires naviguent souvent à un régime moteur faible. Or, cette faible puissance entraîne des émissions de NOx plus élevées qu’à plus forte puissance. Si une navigation plus efficace sur le plan énergétique permet de réduire la consommation de carburant et les émissions de CO2, elle peut aussi, surtout pour les navires Tier II, entraîner une augmentation des émissions de NOx. »

« Par ailleurs, la concentration des émissions d’autres polluants, comme le carbone noir et les particules fines, augmente également avec la baisse de la puissance du moteur. »

« La réglementation internationale, qui prévoit une simple réduction des émissions d’azote, ne semble donc pas adaptée aux conditions de navigation spécifiques du sud de la mer du Nord », conclut Ward Van Roy.

Haut depage