Le Prix Francqui, la plus haute distinction scientifique belge, va cette année au Pr Steven Laureys, de l’Université de Liège (ULg). Ce médecin neurologue, directeur de recherche du F.R.S-FNRS, est un des spécialistes mondiaux en ce qui concerne l’étude du coma, « les états de conscience altérés », comme il aime à le rappeler.
Ses travaux portent également sur l’état végétatif, l’état de conscience minimale, le locked-in syndrome, ainsi que les états liés à l’anesthésie, au sommeil ou encore à l’état hypnotique. Le scientifique travaille également sur le fonctionnement cérébral des personnes ayant vécu une expérience de mort imminente.
« Nos travaux nous ont notamment permis d’élaborer une nouvelle échelle d’évaluation des comas qui permet de poser des diagnostics plus exacts chez des patients cérébrolésés », rappelle-t-il.
Une recherche médicale aux implications sociétales directes
Le neurologue, qui dirige le « Coma Science Group », au sein du GIGA Consciousness, de l’Université de Liège, ne travaille pas que sur le diagnostic. Il mène également des recherches à finalité thérapeutique. “Outre la recherche strictement médicale, nous avons aussi un rôle sociétal à jouer”, explique Steven Laureys. “Nous n’anticipons pas encore assez ce genre de problèmes”.
« Ce n’est qu’en faisant face aux problèmes concrets auxquels les gens sont confrontés que la science peut s’ancrer dans la réalité ».
Deux réseaux de conscience
L’une des principales découvertes de Steven Laureys porte sur le fait que le cerveau renferme non pas un, mais deux réseaux de conscience : un réseau de conscience externe (qui concerne l’environnement) et un interne (qui nous concerne la conscience de soi). Ils sont reliés par un noyau cérébral profond. Le cerveau alterne automatiquement entre ces deux réseaux. Lorsqu’ils ne fonctionnent plus, il n’y a plus de conscience, même si la personne peut encore respirer et bouger. Si cette découverte a permis de mieux comprendre le réseau neural de la conscience, elle a également des implications cliniques : ces avancées sont mises à profit pour mieux estimer les chances de guérison et tester d’éventuels nouveaux traitements.
« Ce prix Francqui est une merveilleuse récompense. Une reconnaissance scientifique attribuée par un jury international qui intervient alors que nous sommes encore de « jeunes » chercheurs, en pleine activité », estime le Pr Laureys. « Cela valorise, notre travail d’enseignant, de recherche, mais aussi de développements technologiques. Un travail qui est loin d’être terminé ».
L’ambition ultime: percer les secrets de la conscience humaine
Le chercheur et son équipe concentrent aujourd’hui leurs efforts sur la stimulation électrique à courant continu du cerveau. «Une technique réellement prometteuse, dont nous avons démontré la pertinence en 2014 », rappelle-t-il. « Une technique qui pourrait améliorer le sort des patients cérébrolésés, et ce par une technique non invasive. Par exemple, via le port d’un simple dispositif qui agit sur le cortex préfrontal gauche ».
L’ambition ultime du chercheur et de son équipe est d’un jour percer les mystères… de la conscience humaine. « Mais là, il faut rester humble », dit-il. « La tâche est immense. C’est comme avoir la prétention de remonter à l’origine de la vie dans l’Univers. Nous pouvons toutefois y apporter quelques nouvelles connaissances »…
Le Prix Francqui
Depuis 1933, la Fondation Francqui décerne le Prix Francqui – le principal prix scientifique belge – à un chercheur belge de moins de 50 ans “ayant apporté à la science une contribution importante dont la valeur a augmenté le prestige de la Belgique”. Il récompense un chercheur, dont les travaux scientifiques sont innovateurs et originaux. Le Prix doit être considéré comme un encouragement pour un jeune scientifique, plutôt que comme le couronnement d’une carrière.
Les premiers lauréats furent l’Historien Henri Pirenne (Gand) en 1933 et le Cosmologue Georges Lemaître (Louvain) en 1934. Plusieurs Prix Francqui se sont vus décerner plus tard des prix internationaux importants, dont le prix Nobel. Le Prix Francqui, d’un montant global de 250.000 euros, est attribué annuellement et successivement dans le domaine des Sciences Exactes, des Sciences Humaines et des Sciences Biologiques et Médicales.
Le Pr Laureys est le 15e scientifique de l’Université de Liège à recevoir ce prix. La dernière fois qu’un scientifique liégeois était ainsi mis à l’honneur remonte à 2008. À l’époque, le Pr Michel Georges était récompensé pour ses travaux portant sur divers nouveaux mécanismes moléculaires.