LA PERSONNALITÉ SE FORGE DÈS L’ENFANCE

23 août 2018
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
«Psychologie de la personnalité» par Michel Hansenne. Editions De Boeck Supérieur – VP 29€

On décrit spontanément les autres en termes de personnalité. Déjà à la maternelle, un bambin dira que son institutrice est gentille, que son copain est méchant. Le concept de personnalité occupe une place centrale en psychologie. Le Pr Michel Hansenne explore ses méandres dans la «Psychologie de la personnalité» aux éditions De Boeck Supérieur .

Entièrement actualisée, la 5e édition du manuel reflète les évolutions de la recherche. Conçue pour l’apprentissage et l’autoévaluation des étudiants, cette approche scientifique et critique renseigne aussi les curieux de la vie psychique ou des comportements humains.

«L’ouvrage devrait en principe combler un vide dans la littérature francophone», juge Michel Hansenne qui dirige le Service de psychologie de la personnalité et des différences individuelles à l’Université de Liège (ULiège) . «Alors que de nombreux ouvrages sur le sujet existent en anglais, force est de constater que le lecteur francophone ne dispose pas d’un tel choix. Cette lacune a motivé la rédaction de ce livre.»

La personnalité en 5 dimensions

Le but de la psychologie de la personnalité est de construire une théorie scientifique qui permet de décrire, d’expliquer et de prédire les comportements. Historiquement, «personnalité» vient du latin «persona», nom du masque porté par les acteurs dans l’Antiquité pour exprimer émotions et attitudes faciales. Au fil du temps, la personnalité perd cette connotation théâtrale. Elle désigne la manière dont on se comporte habituellement.

Depuis une dizaine d’années, des chercheurs ont montré que 5 dimensions suffisent pour appréhender l’ensemble des traits de personnalité. Extraversion. Agréabilité. Consciencieusité. Ouverture. Et neuroticisme, une tendance générale à éprouver des affects négatifs comme la peur, le dégoût, la tristesse, la colère, la gêne ou la culpabilité. À avoir des idées irrationnelles. À moins bien maîtriser les pulsions. À avoir des difficultés à gérer le stress.

L’enfant colérique, un adulte colérique en puissance

Un enfant colérique ou consciencieux à la maternelle a de fortes chances de le rester à l’âge adulte. Influencée par l’hérédité et l’environnement, la personnalité se forge dès l’enfance. Elle est relativement stable. Des événements positifs ou particulièrement stressants peuvent l’impacter. Une réussite, une relation affective sont bénéfiques. Un grave accident, une longue maladie, le divorce ou le décès d’un parent sont dévastateurs. Chez certaines personnes, la consciencieusité augmente jusqu’à 50 ans. Tandis que le neuroticisme s’accroît entre 20 et 30 ans pour diminuer progressivement.

«Alors que la participation de facteurs génétiques sur la personnalité ne fait plus de doute, on est moins avancé sur l’identification des gènes qui y sont impliqués», explique le chercheur. «Depuis quelques années, la génétique comportementale a suggéré que des différences génétiques pourraient mener les sujets à choisir plutôt tel ou tel environnement.»

L’intelligence émotionnelle influence les performances

Des interventions psychologiques sont conduites pour réduire les comportements néfastes, les émotions et les pensées négatives. Une tendance de la psychologie positive tente d’augmenter les émotions et les pensées favorables pour rendre les gens plus heureux.

L’intelligence émotionnelle occupe une place importante dans la littérature scientifique. Elle est associée au bien-être et à l’estime de soi. Beaucoup de psychologues cherchent à mieux la comprendre. Certains suggèrent de repenser l’enseignement maternel et primaire en introduisant un cours d’intelligence émotionnelle. Aux États-Unis, des élèves sont invités à identifier, chaque matin, leurs émotions devant le groupe. De trouver leurs origines. De proposer des moyens pour modifier leurs émotions négatives. Ou celles de leurs condisciples.

«L’efficacité de cette pratique n’a pas été évaluée empiriquement», relève Michel Hansenne, membre de l’Unité de recherche facultaire Psychologie et neuroscience cognitives . «Mais il pourrait s’avérer que si l’intelligence émotionnelle est bien augmentée suite à une formation, cela devrait influencer les performances scolaires des élèves.»

«Bon nombre d’entreprises font appel à des formateurs à l’intelligence émotionnelle afin d’augmenter la performance des équipes. Ces formateurs proposent des formations qui ne reposent sur aucun modèle théorique. Et plus gravement, l’effet prétendu positif de ces formations est évalué de manière subjective. Dans certains cas sur des critères tout à fait discutables.»

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