Près de 40 ans après avoir observé, pour la première fois, une aurore boréale en rayonnement X sur Jupiter, le mécanisme sous-jacent vient d’être compris. Pour ce faire, une équipe scientifique internationale, dont des chercheurs de l’ULiège, s’est basée sur les observations simultanées de la sonde spatiale Juno (NASA) et du télescope XMM-Newton (ESA).
Jupiter n’est pas la Terre
Jupiter est la plus grosse des planètes du système solaire. Tout comme sur Terre, ses pôles sont sujets aux aurores. Celles-ci naissent suite à l’entrée en relation, avec le champ magnétique de la planète, de particules chargées, lesquelles se concentrent aux pôles.
Si le phénomène d’aurores est similaire aux deux planètes, leur origine est différente.
Sur Terre, les aurores polaires sont essentiellement le fruit du vent solaire. Elles se produisent lorsque ce flux de particules chargées en provenance du Soleil entre en contact avec la magnétosphère terrestre, c’est-à-dire le champ magnétique de notre planète.
Au contraire, sur Jupiter, ce sont principalement les éjections de matière provenant d’Io, une des quatre principales lunes joviennes, qui alimentent ce phénomène.
Les aurores joviennes émettent toutes sortes de rayonnements : ultraviolettes (UV), infrarouges, ondes radio, et aussi en rayons X, via de puissants flashs. C’est à ces derniers qu’est consacrée la nouvelle étude. Ceux-ci crépitent avec une période relativement régulière de 10 à 40 minutes.
Ces aurores de rayons X sont produites par des ions d’oxygène et de soufre, émis suite aux activités volcaniques de la lune Io. Après s’être répandus dans la magnétosphère de Jupiter, ces ions très énergétiques sont accélérés avant d’être précipités dans l’atmosphère polaire de Jupiter. Les aurores X se forment alors.
Deux observations simultanées
Du 16 juillet, 18h26 (temps universel, TU), au 17 juillet 2017, 22h13 (TU), le télescope XMM-Newton de l’ESA a observé Jupiter en continu pendant près de 26 heures, soit durant environ 2,6 rotations de Jupiter. Sa caméra européenne d’imagerie photonique a fourni des données spatiales et temporelles de Jupiter. De plus, son spectromètre a mesuré les aurores à rayons X : elles pulsaient toutes les 27 minutes, avec une précision de métronome.
Au même moment, la sonde spatiale Juno (NASA) se trouvait à quelques 4.500.000 km de Jupiter, au cœur de sa magnétosphère, précisément sur les lignes de champ magnétique reliées aux aurores.
Ces deux observations simultanées par deux engins différents ont mis évidence « les processus qui produisent les éruptions de rayons X de Jupiter, montrant des similitudes surprenantes avec les aurores ioniques terrestres », indiquent les chercheurs.
Des ondes électromagnétiques particulières
Plus précisément, ils ont observé des oscillations du champ magnétique dotées d’exactement la même période que les flashs auroraux. Elles résulteraient de la friction du vent solaire sur les couches externes de la magnétosphère. Mais ces oscillations, si elles vibrent de concert avec les aurores boréales, ne sont pas capables d’accélérer des ions.
Les chercheurs se sont alors mis à la recherche de la pièce manquante de ce puzzle cosmique. Et ont fini par la trouver. Elle se nomme EMIC, pour ondes électromagnétiques ions-cyclotron. Sans entrer dans les détails, ces ondes sont excitées par les oscillations lentes du champ magnétique. Leur fréquence permet aux ions d’accélérer jusqu’à l’impact avec l’atmosphère de la planète, et l’émission subséquente de flashs de rayons X. Et donc d’aurore boréale.
A noter que ces interactions complexes ne devraient pas être une particularité jovienne. « Sur Terre, les ondes EMIC accélèrent aussi des protons dans l’atmosphère aurorale. Il s’agit d’un processus fondamental qui s’applique à Saturne, Uranus, Neptune, et probablement aussi aux exoplanètes », conclut, sur le site de l’ULiège, Dr Zhonghua Yao, premier auteur de l’article, chercheur à la Chinese Academy of Sciences et collaborateur scientifique au Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) de l’Université de Liège.