Série : Innovations wallonnes (2/5)
418 millions de tonnes… Les derniers chiffres de consommation du papier dans le monde (en 2021) donnent le tournis. Cette industrie transformant les fibres de bois en papier étant une grande consommatrice d’eau et d’énergie, toute amélioration dans le processus de fabrication présente un bénéfice à la fois économique et environnemental.
À Seneffe, c’est dans ce contexte de plus grande efficacité que se situe l’innovation proposée par les chercheurs du laboratoire de Recherche et développement de l’entreprise Dow Silicones Belgium. Ils ont mis au point un produit qui facilite une des phases de la production de la pâte à papier: le drainage. Comment? En limitant la mousse qui s’y développe en grande quantité.
Un nettoyage plus efficace
« Nous avons mis au point un nouveau produit à base de silicone qui rend cette phase de la fabrication de la pâte à papier plus sûre et plus verte », explique Christophe Deglas, responsable « Technical support and development » pour l’ensemble du marché « Pulp and Paper » chez Dow.
Au départ de bois (feuillus ou résineux), la fabrication du papier passe par plusieurs phases. Après le déchiquetage en copeaux de taille et de nature homogènes, le bois est « cuit »: il passe par une phase de lessivage à haute température et sous haute pression. Le but étant de récupérer la cellulose du bois. C’est celle-ci qui permet l’élaboration de la pâte à papier, laquelle pourra ensuite être utilisée pour la production de papier pour le monde de l’édition, mais également de nombreux autres produits: emballages alimentaires, cartons pour le e-commerce, produits hygiéniques (papier de toilette, mouchoir, etc.).
Grâce à l’innovation sortie des labos de R&D de Dow à Seneffe, la quantité de mousse produite lors de la transformation du bois en pâte à papier est limitée lors de la phase de nettoyage de la pâte. C’est le fameux « drainage ».
« Notre composé permet de limiter la production de mousse lors de cette phase de fabrication où la pâte a été chauffée à haute température et alors qu’elle présente un pH élevé », précise l’ingénieur-chimiste. « Cela a un impact sur la sécurité de la chaîne de fabrication. Mais aussi sur le rendement et la qualité de la pâte à papier. »
Quelques grammes pour produire une tonne de pâte à papier
Un autre avantage de cette innovation porte sur son efficacité, quelle que soit l’essence de bois concernée. « Elle est parmi les plus efficaces pour 80% des bois utilisés par l’industrie. Ce qui simplifie la gestion des agents antimousses à mettre en œuvre dans les sites de production », assure Christophe Deglas. « Un seul produit fait le job pour de nombreux types de bois. Et ce, quelle que soit la saison.»
Mais ce n’est pas là le seul intérêt de ce composé siliconé. Sa formulation permet également de réduire jusqu’à cinq fois la quantité de produits à utiliser par rapport à un antimousse organique, et pour un même résultat. « Désormais, vingt grammes suffisent pour produire une tonne de pâte à papier », précise l’ingénieur.
Réduction des émissions de CO2
« L’amélioration la plus importante de cette technologie est son impact environnemental. En plus d’améliorer le rendement à faible dosage en évitant la mousse, elle améliore le drainage ce qui résulte en une réduction de la consommation d’eau, d’agents chimiques de blanchiment, de l’énergie et donc du CO2 rejeté par cette industrie », dit-il. « On considère que les antimousses siliconés empêchent l’émission de plus de 3 millions de tonnes de CO2 chaque année. »
« Comme souvent dans ce processus d’innovation, il s’agit au départ de répondre au besoin d’un client. Une fois le procédé mis au point, ce client bénéficie d’une certaine exclusivité. Par la suite, le nouvel agent antimousse est rendu accessible à l’ensemble des acteurs du secteur. Aujourd’hui, on considère que près de la moitié de la pulpe à papier produite au niveau mondial utilise déjà notre nouvelle technologie antimousse. Une belle réussite pour cette innovation née en Wallonie », conclut Christophe Deglas.