Déconstruire les stéréotypes de genre dans l’enseignement

23 septembre 2024
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

« C’est trop dur pour toi, tu n’y arriveras pas. » « Tu n’es pas assez bonne en maths, pas assez intelligente. » Ce qui démotivent et dissuadent le plus les étudiantes belges à se lancer dans des filières numériques, ce sont les discours de leurs enseignants et de leurs parents. Partant de cette conclusion, émanant de l’enquête Gender Scan menée en 2021, Julie Henry, cheffe de projet STEAM (sciences, technologies, engineering, art et mathématiques) à l’UNamur, a réalisé une étude de terrain pour extraire les bonnes pratiques qui permettraient de renverser la vapeur.

Son projet, baptisé « Gender Equals Future : 011 for IT » s’est étalé sur toute l’année 2023.

Visites et rencontres de terrain

Dre Julie Henry s’est attelée à étudier l’existant et, notamment, à s’inspirer des réussites et bonnes pratiques de quelques institutions dispensant des formations numériques en non-mixité, c’est-à-dire avec un public composé uniquement de femmes. Ou présentant un taux de femmes inscrites et participantes de minimum 20%.

« Pour ce faire, nous avons réalisé, au sein de 5 institutions (Interface 3, à Bruxelles et Namur, Becode, Microbus et Executive Master in Digitaland IT Essentials ULB/VUB) 4 observations en formation et 13 entretiens de représentants de formations en non-mixité : directeurs, formateurs, mais aussi participantes afin de connaître ce qu’elles appréciaient, ce qu’elles appréciaient moins, etc. Partant de là, des recommandations d’actions ont été rédigées. »

Davantage de confiance en soi

« À la question “Que mettre en place pour attirer les femmes dans les formations relevant du numérique?”, nous répondons par des recommandations visant à déconstruire les stéréotypes. Ceux-ci déforment les représentations, engendrent un sentiment d’illégitimité chez les femmes et leur font renoncer à des métiers considérés comme masculins (et aux formations associées). »

Un exemple de bonne action ? Former les enseignants de tous les niveaux aux stéréotypes de genre. « Par exemple, le fait qu’ils laissent davantage de temps aux garçons de s’exprimer en classe. Et qu’à cause de cela, les filles s’habituent à moins prendre la parole, à moins interagir. » Et finalement à se mettre d’elles-mêmes de côté.

Permettre aux filles d’avoir davantage confiance en elles est une des clés à leur inclusion dans les filières numériques et STEM. Pour ouvrir la voie aux enseignants, Julie Henry est en train de plancher sur une formation visant spécifiquement à dégenrer le matériel pédagogique et l’enseignement.

A noter que, « les filles sont bien moins nombreuses que les garçons à penser avoir le niveau pour suivre une formation relevant du numérique (43% contre 78%), et leurs parents sont du même avis. À la lumière de ces éléments, il apparaît également essentiel de sensibiliser ces derniers. »

« C’est un domaine d’hommes »

Les métiers du numérique sont jugés solitaires et ennuyeux. « Ces stéréotypes, les hommes ne les perçoivent pas de la même manière que les femmes. Et dès lors cela n’engendre pas les mêmes réactions. L’aspect solitaire est une caractéristique qui ne semble pas les refroidir. Et concernant l’aspect ennuyeux, sans doute se disent-ils plus vite que leurs parents exagèrent sur ce point. Les femmes, quant à elles, sont moins exposées à un discours positif sur les métiers numériques de la part de leur entourage. Ainsi 73% des jeunes les considèrent comme des métiers masculins, selon une enquête Ipsos. Et 38% des femmes pensent qu’il est complexe d’y trouver leur place », explique Dre Henry.

« De toute évidence, le choix des images et représentations des métiers du numérique contribue à construire symboliquement un domaine professionnel dans lequel les femmes ont ou non une place. »

Mettre les femmes STEM en évidence

Ainsi, la chercheuse recommande de sensibiliser massivement à la mixité homme-femme à l’école, et ce, dès le plus jeune âge. De dégenrer les ressources d’aide à l’orientation via l’utilisation de l’écriture inclusive. Mais aussi en diversifiant la représentation, notamment en mettant en avant des professeures lors des portes ouvertes des écoles. « Une future étudiante qui voit qu’une large proportion des professeurs présents sont des femmes, cela induit une autre dynamique. »

Dans le même ordre d’idée, il s’agit de donner davantage de visibilité, dans les écoles, mais aussi dans les médias, à des femmes expérimentées dans des carrières numériques pour les faire exister, afin qu’elles servent de modèles.

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