L’intelligence émotionnelle favorise l’apprentissage chez l’enfant

23 octobre 2023
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« L’intelligence émotionnelle », par Bruno Humbeeck. Editions Mardaga. VP 19,90 euros, VN 14,99 euros

Le psychopédagogue Bruno Humbeeck propose des jeux, des exercices, des questionnaires pour aider l’enfant à comprendre et à vivre ses émotions dans «L’intelligence émotionnelle». Aux éditions bruxelloises Mardaga spécialisées en sciences humaines et sociales.

«Le livre est destiné aux parents et aux enseignants pour qu’ils se montrent sensibles aux émotions de leurs enfants et de leurs élèves», précise le directeur de recherche au Service des sciences de la famille de l’UMons. «La pédagogie a emboîté le pas à la psychologie pour considérer l’émotion et les états affectifs qui s’y associent comme un moteur d’apprentissage dont il faut nécessairement tenir compte.»

«Sous l’effet de cette prise de conscience, l’éducation, tant scolaire que familiale, lui a alors naturellement ouvert toute grande la porte. Et l’on s’est mis à parler sans réserve d’intelligence émotionnelle pour démasquer cette force dont il valait sans doute mieux mettre à jour le fonctionnement pour se donner les moyens de l’utiliser à bon escient.»

Le vécu émotionnel renforce la mémorisation

Le vécu émotionnel est un excellent moyen d’apprentissage. Il favorise l’attention, renforce la mémorisation. «Ce double mouvement s’explique par le fait que l’émotion joue un rôle majeur dans la survie individuelle et collective de l’être humain», note le docteur en sciences de l’éducation. «Son cerveau cible instinctivement, avec une attention accrue, tout ce qui pourrait en être à l’origine. Et s’arrange pour maintenir disponible les circuits cérébraux. De façon à pouvoir, à l’avenir, repérer instantanément les circonstances de son apparition.»

Ni vraies, ni fausses, ni bonnes, ni mauvaises, les émotions ne devraient pas être contredites dans leur légitimité, remises en cause dans leur intensité. Elles naissent dans le thalamus, l’aire cérébrale primitive qui traite prioritairement les informations des sens. Qui décide du niveau de vigilance pour assurer la survie. «C’est l’intervention de l’amygdale cervicale qui explique que l’on parle d’émotions d’évitement et d’émotions d’appétence ou de valences positives ou négatives associées à l’état émotionnel», explique le chercheur.

Des outils imagés

Une même information peut être traitée différemment. L’émotion pousse à agir en conséquence… «C’est un message, il faut dès lors toujours lui réserver un bon accueil», souligne Bruno Humbeeck. «Pour un enfant, comme pour un adulte submergé par une émotion, il est souvent plus facile, dans un premier temps, de ressentir une émotion que de la définir par des mots. Il est donc parfois préférable de l’aider à retrouver son calme en attirant son attention sur les sensations physiques qu’il éprouve sous le coup de l’émotion. En observant avec lui la manière dont son corps reçoit le message émotionnel, on le met en position d’accueillir, au sens plein du terme, non seulement l’émotion, mais surtout ce qu’elle a à nous dire.»

Le chercheur propose des outils imagés pour soutenir les parents, enseignants et éducateurs qui s’engagent dans la voie de l’éducation fonctionnelle. On y trouve notamment un immeuble à 3 étages qui distinguent les états affectifs. Au rez-de-chaussée, les émotions archaïques: joie, tristesse, colère, peur et dégoût. Au 1er étage, les états d’âme qui supposent que les émotions ont été suffisamment visitées par le cortex cérébral pour avoir été réfléchies et occuper les étages supérieurs. Au dernier étage, les sentiments qui conditionnent la vision du monde.

La pédagogie doit demeurer humaine

«Ne pas se tromper d’étage permet d’adapter la communication en aidant l’enfant à s’exprimer», explique le psychopédagogue. Ainsi, à l’enfant inquiet pour son contrôle de maths, on peut installer la conversation au rez-de-chaussée en lui demandant de quoi il a peur. Ce qui permet d’évoquer les réactions de chacun face à un éventuel échec. La discussion peut aussi avoir lieu au premier étage. Il sera alors question de réfléchir ensemble aux meilleures façons de préparer l’épreuve. Au dernier étage, on évoquera un sentiment plus global ou plus durable. Par exemple, quand l’enfant en décrochage n’envisage plus de pouvoir réussir en maths. Voire dans n’importe quelle épreuve scolaire.

Selon Bruno Humbeeck, «les outils doivent servir à alléger la lourdeur des concepts en les associant à des métaphores. À rendre pratiques les théories en les concrétisant dans des instruments d’usage courant. Et à permettre, en définitive, à tous ceux qui se préoccupent d’éducation de se donner les moyens d’aborder la pédagogie dans toute sa complexité. Sans pour autant être intimidés par les habits trop sérieux d’une science qui doit par-dessus tout se préoccuper de demeurer humaine».

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