La pollution détectée à proximité des entreprises wallonnes de broyage de métaux est préoccupante. L’étude BioBro vient de révéler que les échantillons de sang et d’urine d’adolescents riverains de ces entreprises contiennent une concentration plus élevée de certains polluants que ceux de citoyens du même âge de Wallonie. Des dépassements de la valeur à risque pour la santé sont même observés pour quelques substances.
Une inquiétude qui ne date pas d’hier
Les questionnements environnementaux et sanitaires autour des broyeurs à métaux – qui trient et déchiquettent les vieux fers, électroménagers, etc – remontent à plusieurs années. C’est en 2016 qu’une campagne de mesures des polluants atmosphériques réalisée par l’Agence wallonne de l’Air et du Climat (AwAC) sonne l’alerte. Dans la foulée de la révélation de ces résultats inquiétants, des normes limites d’émission aux cheminées sont fixées pour les broyeurs à métaux.
La Wallonie compte 7 installations dédiées au broyage de métaux. Une à Obourg (CometSambre), trois en région caroloringienne (Keyser à Courcelles, CometSambre à Châtelet, Derichebourg à Charleroi), une dans le Namurois (Dubail Recycling à Beez), une en province de Liège (BST à Engis) et une en province de Luxembourg (Ecore à Aubange).
En avril 2021, l’enquête “Vieux fers, le vrai prix du recyclage” réalisée par l’équipe d’#Investigation est diffusée sur la RTBF. Elle met en évidence que les broyeurs de métaux wallons sont parmi les plus gros émetteurs de polychlorobiphényles (PCB) en Europe. Et, suite à un biomonitoring mené chez une cinquantaine de riverains du broyeur de Châtelet, laisse penser que leur santé pourrait être impactée par ces perturbateurs endocriniens.
Pour en avoir le cœur net, la ministre de l’Environnement avait alors annoncé mettre en place un biomonitoring de plus grande ampleur chez les personnes habitant à proximité des 7 broyeurs à métaux wallons. Baptisé BioBro, ce sont les résultats de ce projet qui viennent d’être divulgués.
Seulement les ados
Seuls les adolescents ont été conviés à y participer. Pourquoi ce choix ? « Le comité scientifique a retenu la tranche d’âge 12-19 ans pour s’affranchir au maximum de l’exposition professionnelle. Cela permet aussi d’uniformiser l’impact de la durée d’exposition : les résultats reflètent l’exposition des 12 à 19 dernières années aux substances chimiques », mentionnent les scientifiques de l’Institut Scientifique de Service Public (ISSeP), coordinateur de cette étude.
« De plus, les adolescents sont de bons témoins de leur environnement proche. En effet, souvent, leurs activités – école, loisirs – ont cours dans un périmètre proche du domicile. De surcroît, ils ont généralement peu déménagé, ce qui réduit le risque d’expositions liées à un ancien domicile éloigné des broyeurs à métaux. »
Sur les 500 adolescents prévus pour l’ensemble des 7 sites, à peine 121 étaient présents lors de la séance de prélèvements de sang et d’urine. « La participation par site a été très faible, entre 6 et 15% de l’effectif fixé, excepté pour le site de Mons (Obourg) avec 74%. »
« Ce faible taux de participation ne permet pas de présenter des résultats concluants quant à la part de responsabilité des broyeurs dans l’exposition des riverains observée », précise l’ISSeP.
Sang et urine passés au crible
Résultats ? « Globalement, les imprégnations des adolescents riverains du site d’Obourg ne diffèrent pas d’une façon statistiquement significative de celles des adolescents des 6 autres sites regroupés, sauf pour 5 substances : acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), l’acide perfluorohexanesulfonique (PFHxS), les PCB-105 & -156, le 1–naphtol, métabolite du naphtalène. »
Les valeurs des concentrations mesurées ont été comparées avec celles de la population wallonne du même âge. En effet, en 2021, le tout premier biomonitoring humain wallon (BMH-Wal), coordonné par l’ISSeP, livrait ses résultats. Celui-ci a permis de calculer des valeurs wallonnes de référence pour une cinquantaine de polluants. C’est-à-dire leur concentration retrouvée dans le corps des citoyens.
« Comparées à celles des adolescents wallons de référence, les concentrations chez les adolescents riverains d’un site de broyeur de métaux sont significativement supérieures pour l’arsenic total, l’arsenic toxique, le plomb urinaire, le PCB-138 et le PFOS. A Obourg, spécifiquement, les adolescents recrutés montrent une imprégnation en PFHxS plus élevée que la population générale d’adolescents wallons », mentionne l’ISSeP.
« Par contre, concernant les autres polluants recherchés (cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, thallium, zinc, hydrocarbures aromatiques polycycliques, polybromodiphényléthers (PDBEs), substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) et polychlorobiphényles (PCBs)), les concentrations sont globalement comparables. »
Une santé à surveiller
Y a-t-il un risque pour la santé ? Des valeurs de référence pour la santé sont disponibles pour à peine 8 polluants parmi les nombreuses substances étudiées dans le projet BioBro.
« Un risque ne peut être exclu pour quelques métaux : l’arsenic toxique, le cadmium urinaire et le plomb sanguin pour, respectivement, 29%, 0.8% et 5% des adolescents ayant participé à l’étude. A noter que le programme BMH-Wal avait révélé des dépassements des valeurs de référence pour la santé chez 21 % des adolescents wallons pour l’arsenic toxique, 2.8% pour le cadmium urinaire et 2.5% pour le plomb sanguin », mentionnent les scientifiques de l’ISSeP.
Des dépassements de la valeur à risque pour la santé sont également observés pour le PFOS et le PFOA (acide perfluorooctanoïque) chez 24.1% et 4.3% des adolescents ayant participé à BioBro. A titre de comparaison, 8.3% et 6.8% des adolescents de la population générale wallonne dépassent également les normes sanitaires.
« Il est recommandé aux participants au biomonitoring BioBro qui présentent des concentrations en polluants qui dépassent des valeurs de référence sanitaires de consulter leur médecin traitant. Pour une meilleure prise en charge de chaque cas individuel, une information a été adressée par la Région aux médecins généralistes », conclut l’ISSeP.