Pre Laurence Boon et Pr Miikka Vikkula, scientifiques à l'UCLouvain © Christian Du Brulle

Deux scientifiques de l’UCLouvain récompensés par le prix international Gagna & Van Heck

24 septembre 2024
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Certaines maladies rares trouvent parfois un traitement innovant sur base d’un … ancien médicament. C’est exactement le genre de découverte qui s’est produite à Bruxelles en ce qui concerne les malformations vasculaires. Ces pathologies se caractérisent par une multiplication intempestive des vaisseaux sanguins ou lymphatiques. Une situation handicapante, douloureuse et dans certains cas mortelle.

Grâce au travail du Pr Miikka Vikkula et de la Pre Laurence Boon, à l’Institut de Duve et aux Cliniques universitaires Saint-Luc, plusieurs formes de malformations vasculaires ont enfin trouvé leurs maîtres. Et ce, suite à la découverte de l’efficacité d’un médicament utilisé habituellement pour traiter des patients cancéreux. Une avancée thérapeutique de premier plan, désormais utilisée dans le monde entier, et qui valent aux deux chercheurs bruxellois de recevoir le Prix Gagna & Van Heck, remis par le FNRS.

Formes héréditaires et mutations génétiques

« Nos avancées déterminantes dans la compréhension et la lutte contre les malformations vasculaires ont eu lieu ces dernières années », commente Miikka Vikkula, généticien. Avec Laurence Boon, chirurgienne et coordinatrice du Centre d’expertise sur les malformations vasculaires des Cliniques universitaires Saint-Luc, il investigue depuis trente ans ces maladies rares.

« Nous avons d’abord travaillé sur certaines formes héréditaires de ces maladies », reprend-il. »  À Saint-Luc, nous avons identifié deux maladies héréditaires menant à des malformations capillaires associées à des malformations artérioveineuses. Nous avons essayé de comprendre pourquoi les lésions se limitaient chez ces patients à certaines régions du corps, alors que ces mutations se retrouvent dans toutes leurs cellules. C’est comme cela que nous avons découvert qu’en plus du facteur héréditaire, il fallait aussi l’apparition d’une mutation tissulaire pour voir se développer la malformation. »

Des diagnostics facilités par un test

« Ceci nous a fait penser que certaines malformations plus fréquentes, celles qui se développent sans histoire familiale, pourraient être seulement dues aux mutations complémentaires dans certains tissus. Cette découverte date de 2009. Et cela a été une de nos plus importantes publications scientifiques », précise le Pr Vikkula, par ailleurs Investigateur du WEL Research Institute.

« Aujourd’hui, pour 80 % des patients, on connaît la cause génétique de la maladie, qu’elle soit héréditaire ou somatique », reprend Pre Laurence Boon. « Cela signifie que les cliniciens disposent désormais d’un test génétique pour diagnostiquer plus précisément leurs patients. »

« Recyclage » d’un médicament utilisé en oncologie

La deuxième avancée majeure du duo de scientifiques date de 2015. Elle porte sur l’identification d’un médicament efficace contre ces pathologies. En réalité, il s’agit d’un médicament déjà ancien: le sirolimus. Ce médicament anti-inflammatoire et antirejet a été testé, comme de nombreuses autres molécules, sur des souris génétiquement modifiées afin qu’elles développent des malformations vasculaires.

L’utilisation du sirolimus a fait des miracles. Chez les souris traitées, le médicament a fait régresser la maladie. Des essais sur des patients volontaires des Cliniques universitaires Saint-Luc souffrant de malformations vasculaires, et qui étaient déjà passés par tous les traitements possibles, ont également montré d’excellents résultats. Certains ont même totalement arrêté de développer la maladie, y compris après l’interruption du traitement au sirolimus.

Avant la naissance

D’autres essais ont encore été menés par les deux scientifiques sur des adultes, mais aussi des enfants, et même sur un fœtus. La future mère de ce bébé a bénéficié de ce traitement alors qu’un diagnostic précoce avait montré le développement de malformations chez son enfant. Le traitement administré à la mère a fait régresser la maladie chez son futur bébé. Un enfant qui a aujourd’hui sept ans.

Les travaux des deux scientifiques ne s’arrêtent pas là. Un autre « vieux » médicament, la thalidomide, a également montré son utilité dans un cas précis de malformation vasculaire chez une jeune femme de 19 ans. Désormais, les deux médecins poursuivent leurs travaux. Avec l’espoir de trouver d’autres molécules efficaces, et présentant peut-être moins d’effets secondaires pour leurs patients. Le prix Gagna & Van Heck pour les maladies incurables, qu’ils viennent de recevoir, les y encourage.

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