La conception algorithmique du format répété au sein du projet Indus © Laetitia Theunis

Science et design pour lutter contre la raréfaction d’eau potable

25 mai 2021
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Lorsque la créativité des artistes se mêle au travail scientifique, cela donne des innovations attractives et enthousiasmantes qui répondent aux problématiques urgentes soulevées par la communauté scientifique. Dans l’exposition « Après la sécheresse », qui se tient au CID (Centre d’Innovation et de Design) sur le site du Grand-Hornu, jusqu’au 27 juillet 2021, l’accent est mis sur des solutions de designers prêtes à l’emploi, « low-tech », pour contrer les périls notamment de pollution et de pénurie d’eau.

Les deux tiers de la population mondiale vivent dans une région confrontée à une sévère pénurie d’eau au moins un mois dans l’année. Un demi-milliard de personnes font face à ce problème toute l’année. Le manque d’eau propre et potable a un impact négatif sur la santé, l’hygiène, l’agriculture et la prospérité. L’exposition met en avant des solutions durables, nécessitant peu de technologies et peu coûteuses, garantissant l’accès à une eau potable.

De la bioinspiration pour dépolluer les eaux usées

Indus est le fruit de la recherche doctorale menée par une architecte, Schneel Malik, influencée par un biologiste et un bioingénieur, à la University College de Londres, sur la fabrication à grande échelle de structures architecturales contenant des micro-algues. Son projet, multi-primé, présente une alternative peu coûteuse au traitement local des eaux usées.

Il consiste en un bioréacteur modulaire sous forme de dalles en forme d’éventail s’inspirant du réseau de distribution des feuilles, capable de répartir uniformément l’eau à travers toutes les parties d’une plante. « Celle-ci s’écoule dans une série de canaux semblables à des veines contenant un hydrogel à base de micro-algues marines 100 % biologiques », explique la chercheuse en architecture.

Huit dalles du projet Indus © Laetitia Theunis

Dans une optique de phyto-management, au fur et à mesure que les eaux usées s’écoulent sur les dalles, les micro-algues produisent des composés capables de capturer des métaux lourds tels que le cadmium, le zinc et le nickel. L’hydrogel peut ensuite être traité pour récupérer les substances polluantes, notamment les métaux lourds, en toute sécurité. Les micro-algues peuvent rester actives durant plusieurs mois.

« Indus est conçu pour s’intégrer au paysage urbain. Il peut être fixé à des murs existants dans des régions industrielles densément peuplées ou être érigé comme une unité indépendante. » Au sommet de ce mur de dalles, un entonnoir permet d’injecter l’eau à dépolluer, laquelle circule ensuite à travers le dédale de micro-algues, et est récupérée purifiée dans un conteneur en contre-bas.

Les dalles de la paroi peuvent être fabriquées par les artisans locaux, avec des matériaux locaux, en s’appuyant sur les méthodes de céramique traditionnelles ; et, en utilisant le moule de l’éventail designé à l’UCL par un algorithme, afin d’optimiser le contact entre micro-algues et eau à dépolluer.

Le choix des variétés de micro-algues à cultiver est basé sur un test préalable identifiant les composés polluant l’eau. Quant à l’hydrogel, sa matière première est une poudre à laquelle doit être ajoutée de l’eau. « Les artisans peuvent construire tout le dispositif sur place. Et l’installer de façon modulaire. C’est une méthode peu coûteuse pour les régions frappées par une pollution de l’eau. »

Un revêtement mural du projet Aquatecture
© Laetitia Theunis

Rendre les bâtiments autosuffisants en eau

Les réserves d’eau du Cap (Afrique du Sud) se remplissaient habituellement durant les mois d’automne et d’hiver (d’avril à septembre). Mais voilà plusieurs années successives que cet apport décline. Shaakira Jassat, fondatrice du Studio Sway, réalise des projets afin de se préparer au « Jour Zéro ». C’est-à-dire le jour où l’approvisionnement en eau au Cap sera épuisé.

Aquatecture prend la forme de panneaux muraux extérieurs compacts, conçus pour recueillir l’humidité de l’air ambiant et récolter l’eau de pluie, qui coule à travers les orifices du panneau placé verticalement. L’eau collectée se déverse ensuite dans un réservoir. Elle est soit stockée pour une utilisation ultérieure, soit assainie, ou encore réinjectée dans l’un des systèmes d’eaux du bâtiment.

Détail d’un panneau mural du projet Aquatecture
© Laetitia Theunis

« L’objectif principal était de créer un collecteur d’eau qui fonctionnerait dans des espaces urbains denses et qui donnerait priorité au côté compact, à l’identité visuelle et à la capacité à s’intégrer à l’architecture locale. »

« Aquatecture peut être installé comme un panneau sur les façades des bâtiments, transformant la récolte d’eau en fonctionnalité intégrée du bâtiment et du paysage urbain. Le dispositif peut également être utilisé en unités indépendantes dans n’importe quel paysage, offrant ainsi des stations de collecte d’eau à différents endroits des villes. » Une structure pilote est installée au Cap.

La « biodésalinisation » de l’eau de mer

Les systèmes actuels utilisés pour désaliniser l’eau de mer sont coûteux, énergivores et impactent très négativement l’environnement. Water Everywhere, du collectif Assemble Mass, étudie la perspective d’une nouvelle technologie durable de distillateur solaire. Il s’agit, durant la saison estivale, de faire s’évaporer l’eau de mer dans un récipient fermé. Et de récolter l’eau douce condensée sur les parois. Le sel, en effet, ne s’évapore pas et reste dans le bas du récipient.

« Nos distillateurs utilisent un absorbeur d’un nouveau type, dit plasmonique (dans un métal, un plasmon est une quantification de vibrations du plasma – tout comme un photon est une quantification de vibrations lumineuses, NDLR), qui peut être fabriqué en aluminium, un métal abondant et abordable », indiquent les designers.

Désalinisateur solaire du projet Water Everywhere
© Laetitia Theunis

« Le système, très esthétique, peut être développé en projet d’infrastructure publique dans toute grande ville à front de mer comme un site de production d’eau potable ou être utilisé à plus petite échelle comme une fontaine à eau. »

A noter que durant la saison des pluies, les sommets des distillateurs peuvent être retournés pour servir de collecteurs d’eau de pluie.

Désalinisateur solaire du projet Water Everywhere
© Laetitia Theunis

Ceci n’est qu’un échantillon très sommaire de ce que vous pourrez découvrir au CID.

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