Osirmose passe au CT-scan des Cliniques universitaires Saint-Luc (en 2015) © CUSL

Osirmose retrouve le sourire

25 juin 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

La momie égyptienne Osirmose, datant de la fin de la XXVe Dynastie, et conservée dans les collections des Musées royaux d’Art et d’Histoire au Cinquantenaire, à Bruxelles, vient de livrer un de ses secrets. L’étude minutieuse des images de CT-scan à haute résolution réalisées aux Cliniques Saint-Luc (UCLouvain) montre qu’elle a subi des interventions de chirurgie dentaire. Des actes médicaux pratiqués il y a… 2.700 ans!

« Tout part de la découverte d’une dent dans l’œsophage de la momie », explique Jean-Philippe Hastir, du département d’imagerie médicale des Cliniques universitaires Saint-Luc. « Très vite, les chercheurs ont voulu savoir d’où elle provenait. Des reproductions 3D de la mâchoire de la momie et de la dent ont été réalisées et confiées au Pr Raphaël Olszewski, stomatologue et radiologue à l’UCLouvain.»

Impressions 3D de la mâchoire supérieure et de la dent identifiée dans l’oesophage © Christian Du Brulle – Cliquez pour agrandir

Le portier du temple de Rê, souffrait-il de la la goutte?

Et ses constatations sont étourdissantes. «Osirmose a souffert d’infections buccales sévères », explique Raphaël Olszewski. « Des cavités circulaires dans l’os, résultant de ces infections, sont visibles sur le moulage du maxillaire supérieur et au niveau du palais. On y remarque aussi des découpes droites, carrées, réalisées dans l’os, comme celles que peuvent produire aujourd’hui des interventions au moyen de certains de nos outils. Clairement, cet homme, qui a souffert d’infections dentaires, a été traité localement ».

La loge de la mystérieuse dent retrouvée dans l’ œsophage de la momie a pu être identifiée. Il s’agit d’une prémolaire supérieure où la dent « de l’ œsophage », reproduite elle aussi en 3D, s’insère parfaitement.

« Au-delà de la personne, cette étude met en évidence un savoir anatomique et une pratique médicale possiblement répandue à l’époque de la XXVe dynastie en Egypte », indique l’archéologue Caroline Tillieux qui, depuis 2015, travaille sur les momies égyptiennes du Cinquantenaire.

« Mieux encore », reprend le Pr Olszewski, « les reconstitutions 3D de la mâchoire nous apprennent aussi que cet homme avait les dents supérieures particulièrement usées. Peut-être parce qu’il a consommé beaucoup d’aliments ou de composés abrasifs, comme de l’argile. Il a peut-être utilisé cette substance pour soigner un autre problème de santé, comme cela se fait encore en Afrique de nos jours. Il pourrait avoir souffert de la goutte, par exemple. Il y a là un autre mystère à éclaircir. »

Le Pr Raphaël Olszewski, UCLouvain, et l’impression 3D de la mâchoire supérieure de la momie © Christian Du Brulle – Cliquez pour agrandir

Clairement, Osirmose n’avait pas une bonne dentition. Pourtant, l’homme n’était pas n’importe qui. « C’était un dignitaire. Il était barbier et portier du temple de Rê à Thèbes (Louxor), comme l’indiquent les hiéroglyphes sur les sarcophages de sa momie », explique Luc Delvaux, le conservateur des antiquités égyptiennes aux Musées royaux d’Art et d’Histoire.

Une momie sans véritable contexte archéologique

« Malheureusement, nous n’en savons pas beaucoup plus sur lui. Nous ne disposons pas d’informations archéologiques précises le concernant. Cette momie a été découverte au début du 19e siècle, plutôt dans le cadre de pillages que de véritables fouilles archéologiques. Elle a appartenu à divers collectionneurs privés avant d’être offerte en 1884 aux Musées royaux d’Art et d’Histoire ».

Ce qui est, par contre, certain pour l’archéologue, c’est que ce prêtre a vécu à la fin de la XXVe Dynastie, à l’époque des pharaons nubiens, les pharaons noirs.

Couvercle du sarcophage de la momie d’Osirmose © Christian Du Brulle – Cliquez pour agrandir

 

Partie supérieure de la momie d’Osirmose © Christian Du Brulle – Cliquez pour agrandir

D’autres études approfondies des scans d’Osirmose pourraient, sans doute, encore révéler d’autres informations précieuses aux archéologues. Cela a déjà été le cas en 2018, suite à la découverte du cœur d’Osirmose sur les images du scanner. Une première en ce qui concerne la découverte de tissus mous sur une momie de cet âge.

Ce cœur a lui aussi été imprimé en 3D à Saint-Luc. « Il présente des calcifications », précise Jean-Philippe Hastir. Pas de quoi cependant pouvoir donner un âge au prêtre du temple de Rê. « Certains détails pathologiques observés sur la momie correspondent à ce qu’on observe aujourd’hui sur des patients âges de 80 ans environ », indique encore M. Hastir. De là à en déduire qu’il avait cet âge, nous ne nous avançons pas ».

Les conditions de vie, d’hygiène ou encore d’alimentation d’Osirmose peuvent avoir grandement influencé sa santé et donc aussi son âge. Le portier du temple de Rê à encore quelques petits secrets à distiller.

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