Série: Innovations wallonnes (4/5)
Élaborer un test de diagnostic in vitro pour évaluer le risque de thrombose associé à la prise de pilule contraceptive et le rendre disponible pour les acteurs hospitaliers afin d’aider les praticiens dans leur choix de prescription : tel est le pari gagnant de QUALIblood, une société namuroise de recherche sous contrat, spin-off de l’UNamur. C’est que le risque est loin d’être négligeable. « Chaque année, en Europe, 22.000 cas de thromboses sont répertoriés suite à l’utilisation de contraceptifs oraux combinés. En Belgique, on en comptabilise approximativement 2 par jour », précise l’Université de Namur.
« Notre test a d’abord trouvé des applications dans le domaine de l’industrie pharmaceutique pour aider au développement de pilules contraceptives », explique Jonathan Douxfils, fondateur, Chief Executive Officer (CEO) et Chief Scientific Officer (CSO) de la spin-off créée en 2017. « Nous l’implémentons maintenant en clinique, au service des médecins et de leurs patientes afin de minimiser le risque de thrombose associé à la prise d’une pilule contraceptive.»
Collaboration fructueuse
Pour le volet industriel, l’entreprise a travaillé en collaboration avec la société wallonne Mithra Pharmaceuticals, qui propose une pilule contraceptive innovante et potentiellement plus sûre que les pilules traditionnelles.
« Il faut savoir que les pilules contraceptives qui contiennent des œstrogènes sont certes plus efficaces et mieux tolérées que celles ne contenant pas d’œstrogènes, mais elles peuvent présenter chez certaines personnes un risque pour leur hémostase, c’est-à-dire impacter les événements biochimiques qui régulent leur capacité à former des caillots sanguins. Ces déséquilibres de l’hémostase peuvent amener certaines patientes à faire des thromboses », indique le scientifique, professeur au département pharmacie de l’UNamur. Et cela concerne aussi les femmes ménopausées suivant un traitement hormonal.
« Le test que nous avons développé poursuit deux buts », continue Jonathan Douxfils. « Premièrement, il est utilisé dans un contexte industriel afin de caractériser rapidement le profil de risque de nouvelles thérapies innovantes, comme la pilule contraceptive de notre partenaire. Grâce à ce test, basé sur des analyses complexes et l’utilisation d’algorithmes spécifiques, nous pouvons définir le profil sécuritaire de cette nouvelle pilule contraceptive. Et ce, en bien moins de temps que ce que prennent les procédures utilisées traditionnellement. Avec ce test sensible, nous pouvons travailler sur de plus petites cohortes de patientes que les études cliniques classiques, d’où un gain de temps. Cette caractérisation précoce du risque permet aussi de rassurer les médecins prescripteurs et favorise l’adoption de cette nouvelle thérapie contraceptive. »
Identifier les prédispositions
« L’autre application concerne plutôt les médecins et leurs patientes directement. Au moyen d’un simple échantillon sanguin, notre test permet de détecter si certaines femmes présentent une prédisposition à faire des thromboses. Ce qui peut alors guider leur médecin vers des produits contraceptifs plus adaptés à leur profil de risque.»
« Globalement, 6 à 8% des patientes ont une prédisposition à faire des thromboses. Cela dépend de facteurs génétiques ou de maladies auto-immunes qui sont identifiables par notre test. Son utilisation dans le but d’examiner le profil de risque individuel pourrait réduire le nombre de thromboses liées à la prise d’une pilule contraceptive. En plus de l’avantage sociétal que cela représente, ceci permettrait de faire des économies au niveau de la sécurité sociale puisque la prise en charge des thromboses induites par la pilule contraceptive est plus coûteuse que la réalisation du test chez les nouvelles utilisatrices de pilule contraceptive », continue-t-il.
La mise sur le marché de ce type de test à destination des gynécologues et des laboratoires de biologie clinique fait partie de la stratégie de QUALIblood. « En plus de l’implémentation de notre test au sein d’hôpitaux partenaires en Belgique et en France, nous sommes actuellement en collaboration avec une entreprise française active dans le secteur des tests in vitro pour l’intégration de ce test dans leur portfolio », indique Jonathan Douxfils.
Et le patron de la spin-off de conclure: « la prise en charge d’une thrombose coûte un peu plus de 30.000 euros par an par patiente, sans compter le risque de récidive qui peut atteindre les 30% à 5 ans. Détecter le risque de maladie thrombotique sur une large population pour ensuite tenter de l’éviter permettrait de réduire les coûts liés à la maladie thrombotique de plusieurs millions d’euros ».