Vue aérienne de l'affaissement en surface après l'effondrement de la carrière de la Malogne (Mons) en 2015 © Police Fédérale

L’effondrement des sous-sols, une problématique transfrontalière

25 octobre 2022
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

En raison de la nature de leur sous-sol, mais aussi de leur passé industriel, la Wallonie et le nord de la France abritent des milliers de cavités souterraines. Rien qu’en Région wallonne, on recense à ce jour 1.800 cavités naturelles d’une taille d’au moins 30 mètres carrés, ainsi que 5.000 anciennes carrières souterraines. Or, ces espaces vides sous nos pieds présentent un risque plus ou moins sérieux d’effondrement, et donc de dommages en surface.

Améliorer la gestion des risques associés à ces cavités était l’objectif du projet Interreg RISSC (Risque Sous-Sol engendrés par les terrains sous-Cavés), coordonné par l’iSSeP, qui vient de se clôturer.

Cratère dans un jardin privé à Quaregnon ( Hainaut) suite à un effondrement souterrain © SPW

Des accidents causés par des sols gorgés d’eau

« Ces risques d’effondrement de vides souterrains incluent les affaissements progressifs, qui provoquent l’apparition de cuvette en surface, aux effondrements localisés ou généraux soudains, qui conduisent à la formation d’un cratère, jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de diamètre », précise la Dre Lorraine Dewaide, chercheuse à la Cellule des Risques sous-sol de l’ISSeP et coordinatrice du projet.

Depuis sa création en 2014, la Cellule Avis et Conseils Effondrements (CACeff) du Service Public de Wallonie  a dénombré environ 400 mouvements de terrains et est intervenue à 53 reprises pour des effondrements urgents de 2014 à 2021. Elle a également coordonné 248 interventions pour de petits effondrements.

Cratère sur un chantier à Vottem (Liège) suite à un effondrement du sous-sol © SPW

Au-delà de l’œuvre du temps, certaines conditions peuvent déclencher ces mouvements de sols. « Les périodes de sécheresse suivies de précipitations intenses sont des contextes particulièrement favorables. Les périodes d’inondation en été pourraient représenter des conditions propices au déclenchement d’effondrement.»

Au vu de l’évolution du climat dans nos régions, il est possible que ce type d’événement se multiplie. Proposer des pistes pour améliorer les politiques de prévention et de gestion des risques du sous-sol des deux côtés de la frontière était l’ambition des partenaires du projet RISSC.

Cratère dans chaussée de Lille suite à l’effondrement d’une ancienne carrière souterraine © Ville de Lille

A chaque cavité, son risque à prévenir

Pour ce faire, les chercheurs ont dressé l’inventaire transfrontalier des objets souterrains et des menaces qu’ils peuvent représenter. En Wallonie, le portail cartographique CIGALE (Consultation de l’Information Géographique pour l’Agriculture, Les ressources naturelles et l’Environnement) permet notamment de consulter en ligne toutes les données des cavités connues sur le territoire.

Sur bases de ces catalogues, les scientifiques ont classé les différentes cavités selon leur type (naturel ou industriel), leur situation (zone rurale ou urbaine), et leur mode d’exploitation. « Dans les Hauts-de-France, on retrouve beaucoup de catiches, des anciennes carrières souterraines de craie exploitées à faible profondeur. Le risque d’effondrement est alors localisé autour du puits d’accès. Dans la région de Mons, en revanche, les anciennes carrières de craie de la Malogne ont été exploitées de façon à former des chambres d’exploitation en laissant des piliers de roches destinés à soutenir le toit. On appelle cela la méthode des ‘chambres et piliers’. Ce type d’exploitation présente des risques d’effondrement généralisé et génère alors un cratère d’effondrement de large ampleur en surface», explique la Dre Dewaide.

Sol fissuré après l’effondrement de la carrière de la Malogne à Mons en 2015 © SPW

En avril 2015, la ruine quasi-instantanée de plus de 130 piliers situés à 25 mètres de profondeur a conduit à un effondrement généralisé de la cavité sur une superficie d’un peu plus d’un hectare, générant un affaissement jusqu’à trois mètres de profondeur en surface.

«En Région wallonne, on pourrait produire des cartes d’aléas d’effondrement. Elles permettront d’épingler les zones d’attention en fonction du type de cavité », informe la géologue. Une telle classification des sites serait non seulement utile pour mener des campagnes de contrôle ciblées, mais aussi pour prendre d’éventuelles mesures en amont, comme le comblement des cavités avec des matériaux de remblayage, ou via l’injection de béton.

De leur côté, les partenaires du projet proposent comme solution préventive à ces risques d’effondrement de valoriser ces cavités d’un point de vue touristique. « Mettre en valeur ce patrimoine permettrait d’assurer son suivi, et donc sa surveillance ».

Effondrement d’une maison à Wasseigne (Liège) après un effondrement souterrain © SPW

Une problématique à gérer aussi à l’échelle locale

Le projet RISSC avait aussi pour objectif de mieux sensibiliser les communes et les services de zones de secours concernées par ce risque. Les outils et pratiques existantes dans la gestion du risque « cavité » étant encore trop peu connus par ces derniers. « On a proposé toute une série d’actions de sensibilisation au cours du projet et, via le site web dédié, ces acteurs auront accès à tous nos rapports techniques. On publiera aussi prochainement des listes de personnes et/ou institutions ressources en la matière. »

A noter qu’après les inondations de 2021 et des mouvements de sols qui ont suivi, la Wallonie a créé une page web consacrée à la marche à suivre pour les communes sinistrées, mais aussi pour le citoyen.

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