Schéma simplifié de la circulation océanique globale

Des variations dans la circulation des océans expliqueraient les cycles de glaciation

25 novembre 2021
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Au cours des 800.000 dernières années, la Terre a connu huit ères glaciaires, séparées par neuf périodes plus chaudes, des interglaciaires. Celles-ci se terminent toutes par un refroidissement brutal et rapide du climat, dont les causes sont encore peu comprises. Afin de mieux cerner les mécanismes derrière ce phénomène, des chercheurs de l’UCLouvain, de la Chinese Academy of Sciences (Chine) et de l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne) ont réalisé des simulations climatiques. Leurs résultats montrent que ces refroidissements seraient associés à une variation de l’ensoleillement estival dans l’hémisphère nord. Elle-même liée à des changements de positions de la Terre par rapport au Soleil. Selon leurs calculs, en dessous d’un certain seuil d’irradiation, la Terre se refroidirait abruptement.

Quand les mouvements orbitaux influencent l’ensoleillement terrestre

« L’ensoleillement peut varier selon trois facteurs astronomiques : l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre (l’obliquité), le trajet de l’orbite terrestre autour du soleil (l’excentricité de l’orbite), et l’orientation de l’axe de rotation de la Terre (la précession) » rappelle Qiuzhen Yin, chercheuse qualifiée FNRS au pôle de recherche « Earth And Climate » de l’UClouvain.

Trois paramètres qui se modifient au terme de plusieurs milliers d’années. L’inclinaison de la Terre a déjà varié de 22.1° à 24.5°. De même, son trajet autour du soleil évolue, passant d’une ellipse à un rond. Enfin, la direction vers laquelle pointe l’axe de rotation vacille lui aussi légèrement au cours du temps.

© Nasa – JPL – Caltech

Selon les chercheurs, la combinaison d’un axe de rotation peu incliné (induisant une faible irradiation en été), avec une forte précession au solstice de juin (induisant de longs étés), diminuerait fortement l’insolation estivale dans l’hémisphère nord.

La circulation océanique paralysée par la glace

D’après leurs analyses, une telle baisse d’ensoleillement dans l’hémisphère nord favoriserait le développement de la banquise. Au point de recouvrir, en mer du Labrador et dans les mers nordiques, les endroits où se mélangent en profondeur les masses d’eau, essentielles pour redistribuer la chaleur entre les régions polaires et équatoriales. Ralentissant ainsi de manière importante la circulation de l’océan Atlantique, aussi appelée AMOC (circulation méridienne de retournement Atlantique).

« L’AMOC est l’un des principaux systèmes de circulation océanique de la Terre, qui transporte chaque seconde l’eau de surface chaude de l’équateur vers le nord et l’eau profonde froide vers le sud. Aussi, des variations au sein de l’AMOC ont un impact global sur le climat », informe Qiuzhen Yin. « Or, à la fin de chaque interglaciaire, on constate dans nos simulations un ralentissement abrupt et rapide de l’AMOC. Lors de la dernière période interglaciaire, on voit que sa circulation a ralenti de 30% en seulement 50 ans » , note la chercheuse.

Cela a eu pour effet de réduire de 22% le transport de chaleur vers le nord, entraînant une baisse de plusieurs degrés des températures des eaux de surfaces, ainsi que des températures de l’air.

Corrélation AMOC et températures © Qiuzhen Yin et al.

La prochaine glaciation prédite dans 50.000 ans

Ces découvertes permettront d’affiner, à l’avenir, les modèles de prédictions climatiques, et ainsi d’estimer quand se déclenchera la prochaine glaciation. « Notre analyse montre que la valeur du seuil n’est pas exactement la même pour tous les interglaciaires passés, mais se situe dans une fourchette étroite. A priori, le prochain seuil se présentera dans 50.000 ans. L’interglaciaire actuel, qui dure depuis 12.000 ans, serait donc exceptionnellement long ».

« Néanmoins, le climat est complexe, et nous ne prenons pas compte dans notre modèle l’impact de l’activité humaine. Or, le taux de CO2 est plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. Cela pourrait donc changer la donne, mais il est très difficile de déterminer son impact », conclut la scientifique.

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