Un papillon est capable de modifier ses préférences sexuelles, par apprentissage, en fonction des partenaires disponibles dans son environnement social. Ces insectes sont donc à mille lieues d’être les robots uniquement doués de comportements innés, instinctifs, comme imaginé jusqu’il y a peu. C’est ce que viennent de démontrer Caroline Nieberding, professeure d’écologie terrestre à l’UCLouvain, et son équipe, en collaboration avec Bertanne Visser (Uliège). Le réchauffement climatique risque de supprimer l’aptitude de ces insectes à choisir le bon partenaire sexuel, avec comme risque l’accélération de l’extinction de l’espèce.
Un apprentissage adaptatif
L’apprentissage, en écologie, est le comportement adopté par les animaux, en réponse à des expériences antérieures en lien avec leur environnement.
Il était communément supposé que cet apprentissage était davantage l’apanage des animaux à gros cerveau et à longue durée de vie (notamment les mammifères vivant en groupe, tels les éléphants), leur permettant une meilleure adaptation à leur environnement, tout au long de leur vie.
Or, Caroline Nieberding, en étudiant le comportement des papillons, grâce notamment à un élevage continu de papillons au sein de l’insectarium « durable » de l’UCLouvain, démontre que cet apprentissage existe également chez les insectes, mais que, en outre, il est adaptatif.
L’apprentissage des préférences sexuelles d’un insecte, objet de son étude, est adaptatif dans les conditions climatiques actuelles, car les femelles apprennent à préférer les mâles qui sont disponibles et offrent des avantages en termes de fécondité.
Un exemple pratique ? « Le papillon africain Bicyclus anynana, une espèce modèle dans le domaine de la sélection sexuelle, se développe en deux formes saisonnières étonnamment différentes, l’une adaptée aux saisons humides (chaudes) et l’autre aux conditions sèches (plus froides) de l’Afrique tropicale. Il s’agit de la même espèce qui prend une apparence très différente en fonction de la température de développement. Si elles ont le choix, les papillons femelles apprennent à préférer les mâles de la saison sèche, car l’accouplement avec eux augmente la production d’œufs et leur durée de vie », explique la biologiste.
Effets néfastes du changement climatique
La Pre Nieberding et son équipe ont cherché à comprendre les impacts du réchauffement climatique sur cet apprentissage dans la reproduction des papillons.
Pour estimer l’augmentation de la température d’ici 2100 dans le pays d’origine du papillon modèle, le Malawi, ils ont utilisé la modélisation climatique.
Résultats ? Les chercheurs ont constaté que les températures plus élevées prédites en 2100 entraîneront l’éclosion de papillons non adaptés aux diverses saisons, avec comme conséquence, un changement des préférences sexuelles apprises : les femelles préféreront des mâles qui leur procurent une fécondité moins importante. Cela se répercutera par un risque élevé d’extinction de l’espèce.
« Les comportements sexuels appris peuvent conduire à une mauvaise adaptation des populations naturelles au réchauffement climatique. Il est donc essentiel de comprendre les effets des changements environnementaux sur le comportement des animaux pour pouvoir prédire leurs chances de survie », conclut la Pre Nieberding.