Top départ! Mercredi, sur la Grand-Place de Bruxelles, la 27e édition du Télévie a été lancée par le Fonds de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS) et la chaine de télévision RTL-TVI. La grande soirée télé, ce sera pour le 25 avril. Avant cette date, une multitude d’activités destinées à récolter de l’argent pour la recherche contre le cancer, notamment la leucémie, sont organisées partout dans le pays. Y compris dans les universités.
« Le Télévie, c’est avant tout de la générosité », sourit le Pr Arsène Burny, président de la Commission Scientifique du Télévie. « C’est aussi un élan de solidarité avec les chercheurs qui luttent contre le cancer. Avec cette année, un effort tout particulier en ce qui concerne la recherche sur les cellules inhibitrices. Ces cellules qui font que les tumeurs passent inaperçues pour notre système de défense immunitaire ».
Neuf millions d’euros récoltés en 2014
Le Télévie, c’est une longue et belle histoire. Au fil des ans, les dons n’ont cessé d’évoluer à la hausse. Des 2 millions d’euros récoltés en 1989 par le F.R.S.-FNRS, le chiffre est passé l’an dernier à plus de 9 millions d’euros. Un beau succès, avec en filigrane une question évidente: la recherche médicale en Belgique peut-elle se passer du mécénat?
Clairement, la réponse est non. Il suffit de regarder le nombre d’initiatives privées qui fleurissent depuis des années dans le domaine de la santé pour aider les chercheurs à chercher : le Télévie, le Fonds pour la chirurgie cardiaque, la Fondation Fournier Majoie, la Fondation contre le cancer, ou encore, la Fondation Roi Baudouin qui gère à elle seule… 34 Fonds médicaux!
De l’oxygène pour les chercheurs
« La philanthropie reste essentielle pour la recherche médicale scientifique », vient précisément de rappeler la Fondation Roi Baudouin, lors de la remise de ses prix médicaux. En 2014, les 34 Fonds « médicaux »gérés par la Fondation ont permis d’allouer quelque deux millions d’euros à trois dizaines de chercheurs belges.
« Le soutien philanthropique donne de l’oxygène aux chercheurs pour réaliser tant de la recherche fondamentale novatrice que des projets tournés vers les patients », estime le Pr Sabine Tejpar, directrice du Laboratoire d’oncologie digestive moléculaire de la KULeuven. Depuis 2011, elle bénéficie du soutien financier du Fonds Anhaive Cancer, géré par la Fondation Roi Baudouin. Institué en 2009 par un donateur anonyme, ce Fonds soutient spécifiquement la recherche scientifique dans le domaine du cancer.
Des budgets réduits depuis la chute du mur de Berlin
« Le financement de la recherche médicale non orientée, fondamentale ou translationnelle, devrait idéalement être pris en charge par les pouvoirs publics », estime pour sa part le Pr Yvon Englert, Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université Libre de Bruxelles. « Mais depuis 25 ans environ, depuis la chute du Mur de Berlin, on assiste à un affaiblissement des financements publics dans le domaine. Cette évolution consacre une forme de libéralisme planétaire triomphant, lequel écrase tout le monde dans la perspective de faire du profit », précise le médecin, par ailleurs directeur du Laboratoire de recherche en reproduction humaine de l’ULB (Hôpital Érasme).
Soutenir la recherche non-orientée
Pour le Pr Englert, les résultats de cette évolution des financements sont limpides. « La recherche libre, non orientée, subit clairement les conséquences de cette évolution planétaire », dit-il. « Si nous voulons faire avancer la recherche fondamentale ou translationnelle sans finalité commerciale, donc sans être dépendant du secteur commercial, il faut nécessairement trouver des ressources alternatives. Cela passe alors par des opérations comme le Télévie, les bourses allouées par les Fondations, des bailleurs de fonds privés, parapublics ou encore des conglomérats de personnes qui se mobilisent pour financer la recherche, parce qu’elles sont conscientes de son importance pour notre avenir commun ». Le Pr Tejpar abonde: « le chercheur universitaire a besoin de cette liberté. C’est ainsi que naît l’innovation ».
Transformer une découverte en un bénéfice pour l’humanité
Au-delà de ce type de soutiens, d’autres Fondations, comme la Fondation Fournier-Majoie, accompagnent les chercheurs « trouveurs », une étape plus loin. La FFM leur apporte une aide financière conséquente et un accompagnement personnalisé afin que le fruit de leurs travaux puisse murir et se transformer en service réellement utile à la communauté médicale. Cette Fondation est surtout présente pour les projets concernant les biomarqueurs du cancer. Quand une équipe touche au but, et que la question de la mise à disposition du test, validé scientifiquement, se présente, la Fondation Fournier-Majoie entre dans la danse.
Soutenir la recherche appliquée qui n’intéresse pas les grands laboratoires commerciaux
“Nous les encourageons à devenir entrepreneurs”, souligne le Dr Bernard Majoie, président-fondateur de la Fondation Fournier-Majoie. « En une petite dizaine d’années, nous avons apporté une aide à 14 projets dont un est aujourd’hui une grande source de satisfaction. Il s’agit d’une équipe qui, après cinq années d’accompagnement, a mis au point un outil de pronostic d’un cancer rare de l’enfant: le neuroblastome. Ce cancer ne touche qu’une vingtaine d’enfants par an dans le pays. Bien trop peu pour intéresser les grands laboratoires pharmaceutiques compte tenu de l’étroitesse du marché. Sans une intervention philanthropique telle que la nôtre, ce projet n’aurait jamais abouti ».
Un autre regard sur les chercheurs
Indispensable le mécénat pour la recherche dans le domaine de la santé? Demandez aux chercheurs. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à lancer, eux aussi, des initiatives pour soutenir leur recherche. Comme à Liège par exemple, où une conférence scientifique était organisée la semaine dernière pour récolter des fonds. Ses bénéfices iront au Télévie. Demain, ce sont les profits du « Souper Télévie » du CHU local qui viendront gonfler les dons liégeois. Et dans une semaine, ce sera « ULg’s got Talent »: un spectacle de cabaret mettant en scène des professeurs, des étudiants et le vice-recteur à la recherche de l’université devrait drainer la grande foule au Trocadéro. Une autre manière de découvrir celles et ceux qui font avancer la science, aujourd’hui, en Belgique.