Détail d'une peinture à l’huile de Peter Van Bredael, conservée au Musée royal des Beaux-Arts, Anvers © KIK-IRPA, Bruxelles

Combats de chiens, d’ours et de lions dans les villes wallonnes

26 juin 2023
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Des combats de chiens, de coqs, d’ours ou encore de taureaux, et même de lions : les villes de Namur et de Liège n’ont pas toujours été des endroits paisibles pour les animaux. Aux 17 et 18e siècles, la notion de bien-être animal n’y était pas la norme. Les cités wallonnes de l’époque étaient le théâtre de spectacles parfois cruels mettant en scène des animaux. Les combats publics, les numéros équestres ou encore les exhibitions d’animaux présentant un attrait particulier y étaient monnaie courante.

« Comme l’exhibition en octobre 1772 d’un éléphant à la halle des Drapiers, à Liège », indique le Dr William Riguelle, historien de l’Université catholique de Louvain, qui a consacré sa thèse à l’animal dans le milieu urbain aux 17e et 18e siècles. Une thèse qui fait désormais l’objet d’un livre (« L’Homme et la ville par le prisme de la bête. L’animal comme marqueur identitaire et révélateur de la gestion, des activités et des espaces urbains »), disponible aux éditions de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.

« Ce goût pour le sang, dans la sphère du divertissement urbain, n’est qu’une des multiples relations entre l’Homme et l’animal dans les villes que j’ai étudiées », souligne le scientifique, qui séjourne depuis quasi deux ans à Québec (Université Laval), grâce à une bourse d’excellence de Wallonie-Bruxelles International.

Portrait de femme avec un chien, 1701-1750, peinture à l’huile, Coll. comte d’Oultremont, Saint-Georges-sur-Meuse © IRPA

Chiens et chats dans les habitations

Outre les animaux donnés en spectacle, l’historien s’est aussi intéressé aux chiens. « À l’époque, il y avait, bien sûr, dans les villes des chiens de salon pour lesquels il y avait une certaine considération », dit-il. « De même que pour les chiens de chasse choyés en chenils, ou encore pour les lévriers. Mais dans d’autres contextes, le chien était aussi un outil de transport. Ils tiraient des charrettes », relate-t-il. « Une pratique qui a perduré longtemps. À certains moments, les chiens errants ont également été largement pourchassés et tués. On les accusait à tort de véhiculer la peste… ».

Et les chats? « Leur statut a également été ambivalent », note le chercheur. « La place du chat au sein de l’habitation liégeoise et namuroise, si elle est attestée notamment par les vestiges archéozoologiques, est très peu documentée. Intégré dans la maison sans pour autant y être choyé comme animal de compagnie ni y être attaché définitivement, il a un statut particulier. L’élément sans doute le plus parlant de cette ambiguïté concerne son absence dans les petites annonces : aucun avis de recherche ne fait mention d’un chat perdu, au contraire des chiens ou des chevaux », écrit-il. « Son rôle semble se cantonner à celui de chasseur de rats et de souris. »

Un cheval dans le salon?

D’autres animaux de compagnie, parfois plus exotiques, se retrouvaient à l’occasion dans les habitations. Dans les tableaux anciens, telles les œuvres de David Teniers, on remarque ainsi la présence de singes dans les intérieurs. Ou d’un perroquet, sur une peinture à l’huile du musée du CPAS de Bruxelles.

Les relations entre l’Homme et l’animal en ville passent aussi par la case « alimentation ». L’abattage, la boucherie, la vente de viande fraîche, les marchés aux bestiaux ont longtemps constitué le quotidien des citadins. La réalité était bien plus sanguinolente pour les citadins des 17 et 18es siècles que les pièces de viande aseptisées qu’on trouve aujourd’hui sous emballages en plastique dans les rayons réfrigérés des supermarchés. « Il faut aussi imaginer les odeurs de l’époque ou les problèmes de sécurité que ce type d’activité pouvait entraîner », souligne le chercheur. « Il n’était pas rare que des animaux présentés dans les marchés aux bestiaux échappent au contrôle de leur propriétaire et se réfugient dans des habitations! »

L’orignal de France

« Étudier les relations entre l’Homme et l’animal dans un environnement urbain est un champ de recherche nouveau pour l’historien », estime William Riguelle. Au Centre interuniversitaire d’étude Québécoise de l’Université Laval, où il poursuit ses travaux dans le cadre d’un postdoctorat, il s’intéresse cette fois au contexte urbain nord-américain.

« L’histoire est ici différente », pointe-t-il. « Les villes nord-américaines n’ont été créées qu’à partir du 17e siècle, dans des environnements riches en espèces sauvages locales auxquelles sont venus s’ajouter des animaux domestiques alors inconnus importés par les colons européens. Le cheval, par exemple, a été très vite qualifié ici d’orignal de France par les autochtones.»

À son retour en Belgique, sans doute d’ici la fin de l’année, le Dr Riguelle espère pouvoir s’attaquer à la rédaction d’un second ouvrage sur l’histoire de l’Homme et la ville par le prisme de la bête sur base de ses travaux menés à Québec.

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