L’un est en Belgique, l’autre en Suisse. Un siècle plus tard, ces deux immeubles temporairement occupés par Albert Einstein sont toujours debout. La villa belge de Coq-sur-Mer (De Haan), où le savant et sa seconde épouse séjournèrent pendant quasiment six mois en 1933, ne se visite pas. Par contre, à Berne, l’appartement du second étage de la maison sise au 49 Kramgasse est ouvert au public. Et sa découverte met en lumière plusieurs pans importants de la vie du savant.
Au premier regard, ce modeste appartement ne paie pas de mine. C’est pourtant là que celui qui allait devenir le père de la relativité générale coucha sur papier en 1905 cinq de ses plus importants articles scientifiques. Dont celui qui lui valut de recevoir, seize ans plus tard, le prix Nobel de Physique pour son article sur l’effet photoélectrique.
Naissance de Hans-Albert, premier fils du couple
On y accède par un escalier en bois et en colimaçon qui débouche sur un minuscule couloir. À gauche: une chambre à coucher occupée aujourd’hui par la billetterie.
Vers l’avant, une pièce de vie avec une table, quelques chaises, un canapé et des photos encadrées sur les murs. Les fenêtres sont ouvertes et donnent sur la rue. Des jardinières et leurs géraniums apportent une touche de couleurs vives. Pour la cuisine et les sanitaires, partagés avec l’autre famille occupant jadis la maison, il faut redescendre d’un étage.
Dans l’appartement, et à l’étage supérieur lui aussi transformé en musée, plusieurs tranches de vie du couple sont évoquées. Albert Einstein et son épouse d’origine serbe Mileva Marić s’y sont installés en octobre 1903. Ils y sont restés un peu plus de deux ans. C’est là que Mileva a passé les plus belles années de sa vie, si on en croit les extraits de courriers qu’elle a expédiés à ses amies. Elle y a notamment donné naissance à Hans-Albert, le premier fils de la famille.
C’est là aussi qu’Albert Einstein rédigea et publia en 1905 cinq articles scientifiques qui allèrent révolutionner la physique. « Un exploit », estiment les Sociétés européenne et américaine de physique, lesquelles ont contribué à l’ouverture du lieu au public. « À l’époque, il travaillait 48 heures par semaine à l’Office fédéral des brevets, qui l’avait engagé deux ans plus tôt comme agent technique de 3e classe. »
1905, annus mirabilis
Dans le premier de ses articles, publiés dans le journal scientifique le plus coté à l’époque « Annalen der Physik », Einstein soutient qu’il doit y avoir une différence fondamentale entre la description de la propagation de la lumière et celle de son interaction avec la matière. C’est ce travail sur l’effet photoélectrique qui lui valut le prix Nobel en 1921.
Dans sa deuxième publication, Einstein tente de déterminer la taille des molécules et des atomes.
Sa troisième publication de 1905 offre, quant à elle, une certaine explication du mouvement brownien, connu depuis longtemps, mais encore inexpliqué. Tandis que son quatrième article porte sur « De l’électrodynamique des corps en mouvement », qu’il rebaptisera plus tard « Théorie spéciale de la relativité », après l’avènement de la théorie générale de la relativité en 1915.
Dans la cinquième publication de l’année 1905, Einstein décrit une conséquence de sa théorie de la relativité et montre que l’énergie et la masse sont équivalentes. C’est la fameuse équation E = mc2.
Du second plan à la lumière de l’avant-scène scientifique
Au troisième étage du bâtiment de la Kramgasse, dans les vitrines de la maison-musée, deux photographies retiennent l’attention: celles de Conseils de physique Solvay, organisés à Bruxelles à l’initiative de l’industriel belge Ernest Solvay.
Sur la première, qui date de 1911, Einstein fait partie des invités, il se retrouve debout, au second rang. Sur la seconde photo, celle du Conseil de 1927, il trône quasi au centre de la photo, aux côtés de Lorentz et Langevin, non loin de Marie Curie. Il est vrai qu’entre-temps, le prix Nobel de Physique lui avait été attribué.
Si le séjour à Berne de la famille Einstein a été la période la plus heureuse de Mileva Marić, la vie du couple n’a cependant pas été un long fleuve tranquille. Le divorce fut prononcé en 1919.
Einstein se remaria alors avec sa cousine Elsa. C’est avec elle qu’il vécut pendant quelques mois en Belgique au cours de l’année 1933, à la villa Savoyarde, avenue Shakespeare, au Coq-sur-Mer. À cette époque, il fuyait l’Allemagne nazie. Le 17 octobre 1933, Albert Einstein embarquait à Ostende sur un bateau pour l’Angleterre. De là, il gagnera définitivement les États-Unis, où il avait accepté un poste à l’Institute for Advanced Studies de Princeton. C’est là qu’il décédera en 1955.