Des antidotes pour mieux guider l’action des antibiotiques

26 octobre 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Les antibiotiques sont de précieux médicaments. Mais ils ne font pas nécessairement dans le détail quand ils s’en prennent aux bactéries. Tant les mauvaises que celles qui nous sont bien utiles – par exemple, celles présentes en nombre dans notre système digestif-, en souffrent.

Grâce aux recherches de la microbiologiste belge Camille Goemans, ces effets secondaires pourraient bien, un jour, n’être que de mauvais souvenirs. La chercheuse s’intéresse aux antidotes capables de minimiser les effets délétères des antibiotiques. Et ses travaux, au Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (EMBL), en Allemagne, où elle termine un postdoctorat, lui ont permis d’identifier quelques molécules prometteuses. Des « antidotes » qui se retrouvent en réalité dans des médicaments déjà utilisés en médecine.

144 antibiotiques à l’étude

« Les effets secondaires des antibiotiques les plus communs sont des problèmes gastro-intestinaux et des infections récurrentes à Clostridoides difficile. À plus long terme, on peut également assister au développement de maladies allergiques, métaboliques, immunologiques et inflammatoires », explique la scientifique, qui a fait son doctorat à l’UCLouvain, au sein du laboratoire du Pr Collet, tout juste récompensé par un des Prix quinquennaux du FNRS.

Dans l’étude qu’elle a menée à l’EMBL, au sein du groupe du Dr Nassos Typas, en collaboration avec la Dre Lisa Maier, de l’Université de Tübingen, Camille Goemans a analysé les effets de 144 antibiotiques sur le bien-être des bactéries les plus communes de notre microbiote intestinal. De quoi améliorer la compréhension des effets néfastes des antibiotiques sur la flore intestinale. Et proposer de nouvelles stratégies pour les réduire.

Tétracyclines et macrolides: un duo mortel pour le microbiote

En travaillant sur des cultures de cellules, des souris de laboratoire ou encore des échantillons de microbiotes humains, les chercheurs révèlent que deux classes d’antibiotiques fréquemment utilisés (les tétracyclines et les macrolides) n’empêchent pas simplement les bactéries du microbiote de grandir, comme attendu, mais qu’elles les tuent. « La moitié des souches de bactéries testées ne survivent pas à un traitement avec ces antibiotiques », explique-t-on à l’EMBL.

« Nous ne nous attendions pas à un tel effet » indique la Dre Goemans. « Les effets néfastes des tétracyclines et macrolides observés lors de cette étude peuvent expliquer les changements importants de composition du microbiote intestinal qu’on observe chez les patients traités avec ces antibiotiques. »

Afin de réduire ces dommages collatéraux, l’équipe a exploré la pharmacopée actuelle. L’idée étant d’identifier un second médicament susceptible de supprimer les effets néfastes des antibiotiques sur les bactéries utiles du microbiote intestinal, tout en conservant l’effet désiré de l’antibiotique sur les bactéries pathogènes. Quelque 1200 médicaments ont été pris en compte. Une dizaine d’entre eux semblent offrir une certaine protection aux bactéries du microbiote intestinal.

Pas encore de cocktail idéal

« Notre approche, qui combine un antibiotique avec un antidote, peut mener à de nouvelles opportunités thérapeutiques pour réduire les effets secondaires des antibiotiques sur notre flore intestinale », estime Camille Goemans.

« Mais attention », précise-t-elle aussitôt. « Nous ne sommes pas ici dans une recherche clinique. Nos travaux relèvent de la recherche fondamentale. Ces médicaments, qui peuvent éventuellement jouer un rôle d’antidotes, sont des molécules de différentes classes. Ils sont administrés dans le cadre de différents types de pathologies et présentent eux-mêmes des effets secondaires. »

Les résultats de ses travaux à l’EMBL sont encourageants. Ils ne sont pas un aboutissement. « Aucun antidote ne pourra protéger toutes les bactéries de notre intestin, mais ce concept ouvre la porte au développement de stratégies personnalisées pour garder notre microbiote en bonne santé », précise-t-elle encore. « Ce qui, à terme, pourrait réduire l’apparition de maladies liées à un déséquilibre de la flore intestinale. »

L’an prochain, la Dre Goemans devrait rentrer en Belgique. Son souhait: ouvrir un laboratoire de recherche actif dans le domaine du microbiote. « Afin de comprendre, de manière mécanistique, comment tout cela fonctionne », conclut-elle.

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