Des enfants et des ados moins stressés en apprenant à respirer plus lentement

25 octobre 2021
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 6 min

Au quotidien, le stress est omniprésent dans la vie des enfants et des adolescents. Une chercheuse de l’UCLouvain a développé un dispositif leur permettant de mieux comprendre leur fonctionnement corporel et émotionnel ainsi que de reprendre le contrôle de leur stress. Focus s’adresse aux enfants de 6 à 16 ans ayant des difficultés à gérer leurs émotions ou à canaliser leur énergie. En vue de la création d’une spin-off qui lui serait dédiée, il est en actuellement en prévente.

Du stress infantile à gogo

Le stress affecte durement les enfants. « L’école en est une source non négligeable. De même que la sphère familiale et amicale. Et ces derniers mois, les confinements et restrictions sanitaires ont profondément affecté les enfants. Les adolescents ont très mal vécu l’isolement et, aujourd’hui, ont du mal à retrouver le contact avec les autres », explique Dre Valérie Dormal, psychologue.

S’il existe des applications sur GSM pour apprendre à réguler son stress, toutes sont à destination des adultes. « Et aucun dispositif facile n’existait pour permettre à l’enfant de faire un exercice anti-stress de façon autonome, et donc de s’approprier le processus. »

Face à ce constat, dans le cadre du programme FIRST SPIN-OFF du service public de Wallonie, elle a développé avec une collègue un dispositif permettant à l’enfant de constater et de diminuer par lui-même son niveau de stress.

Le dispositif anti-stress FOCUS © FOCUS

Variabilité et cohérence cardiaques

Concrètement, l’enfant prend en main ce petit objet de la forme d’une feuille. Grâce à ses capteurs, la fréquence cardiaque est mesurée, et la variabilité cardiaque est identifiée. « En simplifié, il s’agit de la vitesse à laquelle le cœur accélère et freine. Celle-ci est un indicateur direct du niveau de stress. Et elle peut être améliorée en pratiquant la cohérence cardiaque. »

C’est-à-dire en respirant à un rythme régulier et défini, lequel est plus lent que le rythme de respiration normal du quotidien. « Pour l’adulte, la littérature préconise 6 respirations par minute. Cela permet de synchroniser le rythme de respiration et le rythme cardiaque. Selon mes observations sur le terrain, dès 12-13 ans, les enfants sont capables de suivre ce rythme. Pour un enfant plus jeune, cela dépend de leur cage thoracique. S’il doit rester en apnée trop longtemps, il est possible d’augmenter la fréquence de respiration indiquée par le dispositif Focus», explique Dre Dormal.

Les études scientifiques faites chez des enfants relevées dans la littérature montrent qu’ils sont très sensibles à ce type de techniques, peut-être même davantage que les adultes. « En 5 minutes d’exercices, la cohérence cardiaque enclenche des réactions physiologiques. Elle impacte le système nerveux parasympathique, lequel gère le stress. Et cela a un effet bénéfique sur le corps : rapidement, on se sent moins stressé, mieux dans sa peau, notamment grâce à la libération d’hormones anti-stress. »

Enfant tenant le dispositif Focus dans une main © FOCUS

Respirer au rythme de la lumière et des vibrations

« Selon la littérature scientifique, l’état de bien-être perdure 3 à 4 heures après l’exercice de cohérence cardiaque. C’est pourquoi nous préconisons d’en faire au moins 3 séances de 5 minutes par jour. »

Pour ce faire, l’enfant doit se laisser guider par le dispositif qu’il tient en main. Suite aux mesures réalisées par les capteurs, une jauge lumineuse centrale lui indique son état de bien-être. Au fur et à mesure de l’exercice, la lumière prend de plus en plus de place, indiquant en direct à l’enfant que son niveau de stress diminue.

Concrètement, tout en gardant son doigt sur le capteur de fréquence cardiaque, l’enfant respire selon le rythme défini par Focus. Lorsque celui-ci s’éclaire latéralement et/ou qu’il vibre, il faut inspirer par le nez. Au contraire, lorsque l’intensité lumineuse latérale diminue et/ou que la vibration cesse, il faut expirer par la bouche.

Une application à installer sur le téléphone des parents a été créée pour accompagner l’enfant dans sa démarche autonome. Y sont rapportés la fréquence à laquelle l’enfant se livre à l’exercice de cohérence cardiaque, le temps qu’il y consacre et la qualité des séances. En fonction de la performance de l’enfant, des conseils personnalisés sont promulgués par l’application.

Des premiers résultats positifs

Quelque 198 enfants, âgés de 6 à 16 ans, ont testé le dispositif Focus pendant 5 minutes alors qu’une centaine d’autres réalisaient 5 minutes de coloriage libre.

« Même avec une seule séance, les résultats sont au-delà de nos espérances. Différentes mesures ont été prises juste avant et juste après le test. Il s’agit de mesures physiologiques (fréquence cardiaque) et cognitives (tests mesurant le stress et la concentration), ainsi que de questionnaires d’anxiété et d’état de stress perçus par l’enfant », explique la psychologue.

« Si dans les deux groupes, le groupe testant Focus et le groupe témoin, on observe une diminution de la fréquence cardiaque ; avec notre dispositif, en sus, une diminution des niveaux de stress et d’agitation est rapportée par l’enfant : de lui-même, après la séance, il place le curseur plus bas sur une échelle de 1 à 100. On observe également de meilleures performances attentionnelles. »

Etude de cohortes plus spécifiques

Suite au succès de cette première phase de tests, réalisés sur enfants sans stress particulier, d’autres tests sont prévus dans les prochains mois. Avec l’aide d’une dizaine de mémorantes, et en collaboration avec des thérapeutes et le CPS (Consultations Psychologiques Spécialisées) de l’UCLouvain, des échantillons cliniques ou sous-cliniques seront étudiés.

« Cela nécessite une sélection plus rigoureuse, contrôlée par différentes variables afin de définir l’efficacité de Focus sur ce type particulier de population. On va cibler particulièrement les enfants avec des troubles de l’anxiété (anxiété générale ou phobique spécifique) ainsi que des ados suivis pour troubles anxieux ou dépressifs. Ces enfants suivant déjà une thérapeutique classique, Focus leur sera proposé comme outil complémentaire. C’est comme emmener le psychologue à la maison. »

« On visera également des enfants avec troubles du spectre autistique, des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage (dyscalculie, dyslexie, etc.) a priori suivis en logopédie et des enfants hyperactifs. Enfin, on investiguera l’utilité de Focus dans la gestion de la douleur, avec des enfants en hospitalisation longue ou avec maladies chroniques nécessitant des interventions régulières », conclut Dre Valérie Dormal.

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