Le football, miroir grossissant de la société

27 juin 2016
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

Avec l’Euro de football du moment, ce n’est pas aux supporters des Diables rouges qu’il faut le dire. La popularité de ce sport est éclatante.

 

« Jamais je n’ai vu autant de drapeaux belges flotter aux quatre coins du pays que ces derniers jours », constate Jean-Michel De Waele, professeur au Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL) de l’ULB et Vice-Recteur aux affaires étudiantes, à la politique sociale et aux relations institutionnelles de l’université. Pour le chercheur, l’Euro, c’est également un passionnant terrain d’études.

 

"Soutenir l'équipe nationale de football, enjeux politiques et identitaires", De Waele et Louaut (ouvrage collectif), PUB.
“Soutenir l’équipe nationale de football, enjeux politiques et identitaires”, De Waele et Louaut (ouvrage collectif), PUB.

Jean-Michel De Waele, spécialiste de la sociologie du sport vient de cosigner un ouvrage aux Presses universitaires de Bruxelles. Il s’intitule « Soutenir l’équipe nationale de football. Enjeux politiques et identitaires ».

 

En une douzaine de tableaux, ce livre condense de multiples contributions portant sur le « supportérisme » d’équipes nationales en Europe, au Brésil, en Iran, en Egypte. Les liens entre supportérisme et impact politique y sont disséqués.

 

Deux visions différentes des Diables rouges

 
La Belgique n’est pas oubliée. Le chapitre consacré au cas belge pose une question simple et directe: « Les Diables rouges: une belgitude réincarnée ? ».

 

« Le football est un formidable outil d’analyse de la société », reprend le Pr Jean-Michel De Waele. C’est un miroir grossissant de notre société. L’étude du supportérisme permet d’analyser les implications sociales et politiques du football.»

 

En ce qui concerne l’équipe nationale belge, il constate des différences de conception entre le nord et le sud du pays.

 

diables auto Euro foot« La vision francophone se rapproche de l’idée que les Diables rouges et leurs performances sont en quelque sorte convoqués pour sauver le pays », indique le chercheur. « Tandis qu’en Flandre, on les voit plutôt comme des jeunes qui réussissent, symboles d’une Belgique qui se bat, qui triomphe »…

 

« Contrairement à d’autres cas de supportérisme d’équipes nationales, en Belgique, cela ne donne pas lieu à l’expression de sous-nationalismes », explique encore Jean-Michel De Waele. « Quand l’équipe nationale belge perd un match, les nationalistes flamands ne descendent pas dans la rue fêter cette défaite, contrairement à ce qui se passe en Catalogne, lorsque l’équipe espagnole subit un revers ».

 

Des liens constants avec la politique

 

Le chercheur se garde bien de juger des compétences des joueurs. Il n’a aucun conseil à donner à l’entraîneur de l’équipe nationale, pas plus qu’il ne formule d’avis sur les stratégies de jeu.

 

Par contre, il constate l’omniprésence des liens entre les supporters de l’équipe nationale de football et la politique. « En réalité, ils font de la politique sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose à son insu », dit-il. Qu’il s’agisse de politique strictement sportive, de politiques de santé, économique… Sans parler de la récupération des succès de l’équipe nationale par certains hommes politiques… »

 

Mais à propos, pourquoi le foot est-il si populaire? Le Pr De Waele identifie plusieurs raisons:
 

  • – La simplicité des règles.
  • – Son omniprésence. On peut jouer au football partout.
  • – Le hasard. L’imprévu dans ce sport est permanent. Tout peut se passer tout au long des 90 minutes de jeu. Contrairement au cyclisme par exemple, où un coureur qui a dix minutes d‘avance sur le suivant est quasi assuré de la victoire.
  • – Le premier du classement peut se faire battre par une équipe plus faible.
  • – C’est un sport collectif mais aussi individuel.
  • – L’arbitrage peut également jouer un rôle sur son attractivité.
  • – Et enfin, parce que quand le match est fini, le football continue pendant des heures, voire des jours… dans les conversations, les commentaires…

 

De là à livrer un pronostic sur les chances de succès des Diables rouges, il y a un pas, qu’il se garde bien de faire.

 

 

Trois approches pour cerner les dimensions sociales et politiques

 

Comme le soulignent dans l’introduction du livre les Pr De Waele et Louault, « le football moderne est un important vecteur de politisation et un catalyseur d’expressions identitaires. Il révèle « des frustrations, des impensés, des malaises de groupes d’individus ou d’une communauté nationale », mais aussi, et peut-être surtout, des passions, des liesses, des communions d’euphorie, des rapprochements de populations et des échanges culturels. A l’image des sociétés contemporaines post-modernes, ce sport est empreint de paradoxes. Il contribue tantôt à euphémiser des conflits sociaux, tantôt à attiser des tensions et à nourrir des violences symboliques, voire physiques ».

 

Ce qui explique l’articulation en trois parties de l’ouvrage.

 
– Constructions et évolutions des supportérismes nationaux
– Les équipes nationales de football au cœur des enjeux identitaires
– Usages politiques et médiatiques des équipes nationales

 

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