Le silicium lourd a donné naissance aux continents

27 août 2019
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Un instrument scientifique financé par le F.R.S.-FNRS dans le cadre de son programme « Grands équipements-infrastructure de recherche » vient de permettre à un chercheur bruxellois (ULB et Musée Royal de l’Afrique centrale) de calculer avec une grande précision la composition isotopique des roches parmi les plus anciennes connues sur Terre.

« Nous avons étudié les roches continentales les plus anciennes du continent africain », indique le Pr Luc André, qui dirige le Département des Sciences de la Terre au Musée royal de l’Afrique Centrale. « Elles proviennent d’Afrique du Sud. Nous y avons mesuré pour la première fois avec grande précision leur composition isotopique en silicium. Nous avons ainsi pu observer que ces roches contenaient une quantité anormalement haute de l’isotope 30 du silicium ».

Un cocktail à base de magma et d’océan primitif

Pour le scientifique belge, mais également ses collègues australiens et sud-africains qui ont travaillé avec lui sur ces éléments, cette abondance anormale de l’isotope lourd du silicium expliquerait pourquoi il existe aujourd’hui sur Terre des continents, et pourquoi, sur la planète Mars, une « soeur » de la Terre, ceux-ci sont absents. Il s’agit de la rencontre entre le magma planétaire et l’eau qui recouvre (et recouvrait jadis pour Mars) ces planètes.

L’essentiel du volume de la croûte continentale qui constitue aujourd’hui les continents s’est formé il y a plus de 3 milliards d’années. Les chercheurs soupçonnaient que le facteur déclencheur de la croissance des continents pouvait être la présence de l’eau sur Terre : au contact de l’océan primitif, les roches produites par la fusion du manteau auraient engendré des basaltes hydratés, qui auraient fondu à leur tour pour produire la croûte continentale.

« Ce modèle se heurtait cependant à une difficulté majeure : lors de leur transport en profondeur, les basaltes hydratés perdent progressivement leur eau avant de fondre », rapporte l’ULB dans un communiqué. « Comment dès lors expliquer leur fusion et la formation de la croûte continentale ? »

Mars a perdu les eaux trop tôt

« Tout simplement parce que nous n’avions pas encore compris que lors de leur contact avec l’océan primitif, ces basaltes se chargeaient aussi en silicium », précise le Pr André. « L’océan primitif en était très riche. L’enrichissement en silicium des basaltes hydratés au contact de l’océan primitif de la Terre leur conférait une nouvelle qualité. Il permettait à ces basaltes hydratés et silicatés de fondre à une température sensiblement plus basse que les basaltes hydratés (et non silicatés). Ce qui leur a permis de donner naissance à la croûte continentale ».

« Sur Mars, la disparition précoce de l’océan, il y a 4 milliards d’années, aurait par contre empêché cette silicification, ce qui expliquerait l’absence de continents sur Mars »,  précise le chercheur.

Cette découverte a été rendue possible grâce à une série de mesures réalisée via un spectromètre de masse à source plasma mis en service en 2014 grâce à un financement du FNRS et installé à l’ULB. Cet appareil permet d’ioniser le silicium à très haute température (on parle de 10.000 degrés) et d’obtenir ainsi la précision requise (<0.05‰) pour identifier de subtiles différences de composition isotopique (proportions relatives des isotopes 28, 29 et 30 du silicium) entre les roches.

Le chercheur bruxellois et ses collègues sud-africains et australiens ont le sourire. Leurs résultats sont solides. De plus, une autre équipe internationale, qui a étudié d’autres roches anciennes issues  d’autres continents, livrerait les mêmes résultats. De quoi lever définitivement le secret de la formation des continents terrestres?

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