Découverte au début des années 1800, la maladie de Parkinson est connue pour causer des troubles moteurs, comme des lenteurs, des tremblements, ou encore des rigidités musculaires. Ces problèmes de motricité sont les résultats d’un déficit en dopamine. Lui-même provoqué par une perte progressive des neurones dans une petite structure du tronc cérébral, la substance noire. Mais l’atteinte motrice n’est, en réalité, que la partie émergée de l’iceberg. Selon une étude récente menée par l’UMONS, la maladie impacterait également la capacité à dénommer des objets, et ce, dès les premiers stades de la maladie.
Troubles du langage et Parkinson, un lien encore débattu
« Les troubles de la dénomination regroupent les difficultés que l’on peut avoir à produire un mot. Cela va du phénomène du ‘mot sur le bout de la langue’, qui arrive à tout le monde, aux difficultés handicapant la vie quotidienne, dans le cadre d’une pathologie », indique Clémence Verhaegen, spécialisée dans les troubles du langage chez l’adulte cérébro-lésé et chargée de cours à l’UMONS.
Dans le cadre de ses recherches cliniques, la Dre Verhaegen a constaté que les patients atteints de la maladie de Parkinson exprimaient des difficultés à trouver leurs mots. « Il n’y a toutefois pas de consensus scientifique à l’heure actuelle pour dire que la maladie causerait des troubles du langage, en particulier la difficulté de dénommer des objets », précise la chercheuse à l’unité de Métrologie et Sciences du Langage.
Elle et son équipe ont creusé la question en testant les capacités de dénomination d’objets de 46 patients parkinsoniens (recrutés avec le soutien de l’Association Parkinson de Namur), en comparaison avec 48 personnes en bonne santé. En parallèle, les chercheurs ont tenté de déterminer si les difficultés dans ce domaine étaient liées à une atteinte des fonctions exécutives. « Celles-ci regroupent des fonctions élaborées comme la stratégie, la planification, la résolution de problèmes et l’inhibition », explique la scientifique.
Les capacités cognitives des patients parkinsoniens à la loupe
Concrètement, les chercheurs ont demandé aux participants de nommer, à voix haute, 80 objets du quotidien représentés en image (un crayon, une chaise, une gaufre, des cheveux, etc.). Leur difficulté à opérer la tâche a été analysée par leur taux d’erreur, et le temps qu’ils mettaient à nommer l’objet.
A côté, les fonctions exécutives des sujets ont été évaluées par divers exercices. « Leur capacité à contrôler leur comportement (l’inhibition) a été testée en leur demandant de dire « oui » ou « non » en fonction du sigle qu’on leur présentait, et ne rien dire quand ce sigle était rouge », développe la responsable du projet.
« On a aussi mesuré leur capacité de mise à jour (la capacité à rafraîchir le contenu de sa mémoire de travail) en leur demandant de retirer une carte dans une série, de la mémoriser, et d’en retirer une différente dans la série suivante. Enfin, on a évalué leur flexibilité mentale (la capacité de passer d’un comportement à un autre) en leur demandant de relier des carrés ensemble, des ronds ensemble et, ensuite, des carrés et des ronds ensemble. »
Les fonctions exécutives impacteraient bel et bien le langage
Résultats ? Il existe des différences sur le plan exécutif entre les deux groupes, les patients parkinsoniens exprimant plus de difficultés cognitives que le groupe témoin. En outre, l’étude a pu établir des liens statistiques entre ces difficultés et les capacités langagières. « Selon nos analyses, les capacités de mise à jour et de vitesse de traitement contribueraient à 26 % des performances en dénomination », déclare la Dre Verhaegen.
Des résultats qui vont, selon elle, dans le sens des découverte récentes faites sur l’aphasie, un trouble du langage causé par des lésions cérébrales à la suite d’un accident ou d’un AVC. « De plus en plus d’études prouvent que des problèmes au niveau des fonctions exécutives conduisent à des difficultés langagières. Dans le passé, la recherche avait tendance à considérer ces deux problèmes de manière séparée. »
En plus des troubles moteurs, la maladie de Parkinson entraînerait des troubles cognitifs et du langage, qu’il serait opportun de prendre davantage en compte à l’avenir. « En vue d’améliorer la prise en charge de ces patients, il est important que les logopèdes et neuropsychologues multiplient leurs collaborations sur le terrain », conclut la Dre Verhaegen.