Adapter la demande en électricité à l’offre, un modèle d’avenir ?

27 décembre 2022
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Lancer le lave-vaisselle, recharger son smartphone, allumer la télévision… Ces gestes du quotidien nécessitent que notre foyer soit fourni en électricité. Actuellement, cette énergie nous parvient à toute heure du jour et de la nuit, l’offre répondant à demande. Mais avec l’essor des sources d’énergies renouvelables, il deviendra à l’avenir plus pertinent que la demande s’ajuste davantage à l’offre. C’est ce qu’on appelle la « flexibilité de la demande ».

De ce constat, est né le projet Demandflex. Financée par le Fonds de transition énergétique du SPF Economie, cette étude de l’ULB vise à identifier les obstacles juridiques, économiques et techniques, à la mise en place de ce modèle en Belgique, en vue de fournir des pistes de solution.

L’utopie d’un système parfaitement flexible

D’après Leticia Pieraerts et Marie Beudels, toutes deux participantes au projet Demandflex, il est important de faire la part des choses entre ce que la flexibilité de la demande propose en théorie, et ce que ce modèle permet dans la réalité.

« On tend aujourd’hui vers un système électrique majoritairement composé d’énergies renouvelables, qui sont, par nature, imprédictibles et intermittentes. La Belgique mise particulièrement sur l’éolien, plus difficile à prédire que le solaire », rappelle Leticia Pieraerts, doctorante au Centre européen de recherche avancée en économie et statistique de l’ULB.

Dans un monde idéal, le système électrique deviendrait parfaitement flexible, et on ne consommerait que quand nous disposons d’assez de productions éoliennes. « Le problème est qu’on ne peut pas se passer d’électricité quand il n’y pas de vents », note Marie Beudels, doctorante au Centre de droit public et social de l’ULB.

Aussi, dans la pratique, la Belgique devrait vraisemblablement se diriger vers un modèle semi-flexible.

Un prix au kilowattheure adapté à l’offre journalière

L’une des stratégies pour y parvenir serait d’avoir des tarifs évoluant selon l’offre de production d’énergie au cours d’une même journée. En clair, quand il fait particulièrement venteux, et donc que les éoliennes produisent beaucoup d’électricité, celle-ci deviendrait moins chère. Nous serions alors encouragés, par des prix attractifs, à adapter notre consommation à offre.

Pour l’heure, les tarifs sont surtout fixés par les producteurs. Les consommateurs ont soit un contrat à prix fixe, soit à prix indexé de manière mensuelle ou trimestrielle. Selon Marie Beudels, les obstacles au changement sont surtout d’ordre pratique :
« Si on arrive à un système où le prix de l’électricité est moins cher entre 9 heures et 10 heures, les ménages doivent savoir ce qu’ils consomment durant cette heure-là ». En fonction, ils pourront changer leurs habitudes de consommation. « Or, les compteurs traditionnels ne fournissent actuellement pas ces données. Et les compteurs dit « intelligents », capables de donner ces informations en temps réel, ne sont pas majoritaires dans les foyers belges, loin de là. »

Une société de plus en plus électrifiée

Ces tarifs variables à la journée ne représentent qu’un mécanisme parmi d’autres pour inciter les consommateurs à s’adapter à l’offre. « Notre projet étudie de nombreuses autres techniques qui permettraient d’aligner l’intérêt économique d’être flexible pour le consommateur, et l’intérêt global, à échelle du réseau et du marché », soulignent les deux chercheuses.

En parallèle, l’équipe tente d’identifier les solutions déjà mises en place en Belgique pour favoriser la flexibilité de la demande. Et comment le marché peut s’adapter à leur développement. Citons, par exemple, les agrégateurs de flexibilité électrique. Ces sociétés proposent, notamment, aux industriels de réduire leur consommation aux moments de pics (heure de pointe) en échange d’une rémunération.

« Dans le futur, avec l’électrification croissante de notre société, il est certain que l’on aura une augmentation des pics de consommation. Dès lors, si l’on conserve le système tel qu’il est aujourd’hui, il sera nécessaire d’augmenter le nombre de centrales – comme celles au gaz – durant ces périodes de pics », explique Marie Beudels.

« En passant à un système flexible, on sera en mesure d’aplanir ces pics », ajoute Leticia Pieraerts. A long terme, on aurait donc besoin de moins de centrales, et donc d’investissements du côté de l’offre. « Ce qui permettrait non seulement de réduire les coûts pour les consommateurs, mais aussi de limiter les émissions de polluants », concluent les deux doctorantes.

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