Que cela soit en matière de lutte contre les effets du réchauffement climatique ou de qualité de vie des habitants, les sols urbains regorgent de fonctions essentielles. «Le sol, ce n’est pas uniquement du chimique, c’est aussi du physique et surtout du biologique. C’est un écosystème en soi », rappelle François Henry, expert sol chez Bruxelles Environnement, l’agence bruxelloise en charge de l’environnement.
« Rien qu’en matière de biodiversité à l’échelle de la planète, on estime que 25 % de cette dernière est contenue dans le sol », appuie-t-il. Si l’on prend également en compte que celui-ci est fragile et que son processus de formation s’étale sur des milliers d’années, sa préservation prend tout son sens.
Un système sous pression
Les sols assurent de nombreux services utiles à la société : l’infiltration de l’eau de pluie, le support de la biodiversité, les îlots de fraîcheur ou encore le stockage du carbone. En ville, ces services sont mis à rude épreuve. Et ce, en grande partie à cause des activités humaines.
Pour François Henry, trois menaces pèsent sur les sols urbains. « Le territoire connaît des problèmes de contamination, d’imperméabilisation et de compaction ». Si le problème des contaminations fait partie des politiques environnementales en Région bruxelloise depuis une quinzaine d’années, les problèmes de compaction et d’imperméabilisation sont une préoccupation plus récente.
Trois grands objectifs
Pour que le sol remplisse correctement ses fonctions, il faut qu’il soit de bonne qualité. Or, « les sols urbains, du fait de la pression due à l’urbanisation qui pèse sur eux, ne vont plus avoir le même équilibre qu’un sol naturel », rappelle François Henry.
Une réalité inquiétante quand on sait que 60 % des sols étudiés en région de Bruxelles-Capitale font état d’une faible biomasse microbienne. Pour l’expert des sols, c’est là que réside le paradoxe des sols urbains. En effet, si ces derniers ont la capacité de venir résoudre des problématiques typiquement citadines (comme les îlots de chaleur), leur forte anthropisation ne leur permet pas, ou plus, de fournir l’ensemble des services écosystémiques des sols naturels.
Comment dès lors mieux protéger les sols bruxellois ? Bruxelles environnement a mis en place une nouvelle stratégie à ce propos : le plan Good Soil. Cette stratégie s’oriente autour de trois grands objectifs.
«Une première étape consiste à intégrer les enjeux liés aux sols dans tous les plans, les programmes et les projets régionaux, notamment en matière de climat, d’environnement, d’aménagement du territoire et d’économie circulaire», rappelle Saïd El Fadili, directeur Gestion Intégrée des Sols pour Bruxelles Environnement.
« Le sol est une matière environnementale transversale. Sa bonne santé vient soutenir les autres thématiques environnementales. »
Le deuxième objectif consiste à caractériser la qualité des sols bruxellois, mais aussi à les restaurer. «La qualité des sols bruxellois est encore largement méconnue pour l’instant », continue-t-il. « Une fois qu’on aura pu les caractériser précisément, on sera plus à même d’apporter des actions qui seront plus ciblées pour résoudre les problématiques de dégradation de sol. »
Enfin, le troisième objectif consiste à sensibiliser et à mobiliser les citoyens autour de la question méconnue des sols.
L’indice de qualité des sols bruxellois sous la loupe
Pour préserver les sols sains et aiguiller l’urbanisme bruxellois, Bruxelles Environnement a mis au point un indice permettant d’attribuer une note à un terrain, après différentes analyses. « L’idée, c’est de réfléchir sur l’usage du sol en fonction de la cotation de l’indice à proprement parler. Si on doit bâtir un bâtiment, essayons de le construire sur un sol qui présente un indice révélant une dégradation, plutôt que de construire le bâtiment sur une zone avec un indice indiquant une bonne qualité de sol », précise François Henry.
Comme le rappelle également Saïd El Fadili, il s’agit d’attribuer le bon sol au bon usage. À noter qu’il existe également une version de cet indice à destination des citoyens. Celui-ci permet de déterminer la qualité de son sol à partir d’observations simples.
« Il s’agit surtout de sensibiliser la population et de lui faire prendre conscience de l’importance des sols », dit encore M. El Fadili. Un guide des bonnes pratiques pour les entrepreneurs prodiguant des conseils pour réaliser un chantier sans dégrader les sols vivants est disponible sur le site de Bruxelles Environnement.
On le voit, allié de nos villes, le sol subit d’énormes pressions. Parent pauvre des politiques environnementales, il s’agit aujourd’hui « de changer notre regard sur lui » comme le rappelle Saïd El Fadili.
Mais les choses bougent, et pas uniquement à Bruxelles. Début juillet, la Commission européenne a publié une proposition de directive sur la santé des sols. L’objectif est de définir un cadre légal de protection, de restauration et de surveillance des sols à l’échelle de l’Union.