A rebours du climat anxiogène lié à la Covid-19 et à l’accélération des émissions mondiales de gaz à effet de serre, Vincent Callebaut veut faire pétiller nos neurones. L’architecte belge, diplômé de l’Institut Victor Horta (ULB) en 2000 et désormais installé à Paris, est un adepte du biomimétisme (tend à reproduire les interactions du vivant), de la bionique (s’inspire des procédés de fabrication naturels) et du biomorphisme (copie les formes naturelles) dans ses constructions. Inspiré par Jules Verne et les cités végétales rêvées par Luc Schuiten, il vient de terminer le projet Tao zhu yin yuan. Une tour résidentielle de 50.000 m² sur 25 étages, absorbant 135 tonnes de CO2 par an. Et ce, grâce aux 23.000 arbres, arbustes et autres plantes qui couvrent façades et balcons.
« Pour ce projet, nous avons travaillé avec des écologues, des paysagistes, mais aussi avec des ingénieurs agronomes spécialistes du substrat. L’objectif était de végétaliser la tour avec des espèces endémiques retrouvées sur la montagne des éléphants située à proximité. Les scientifiques ont observé quelles espèces poussent dans les différentes strates de cet écosystème : du pied au sommet, et du nord au sud. Et ce, pour pouvoir ensuite les intégrer au mieux dans leur nouveau biotope artificiel», explique Vincent Callebaut.
Economie de matériaux
Sise à Taipai, sur l’île de Taiwan, la tour de 120 mètres de haut a l’allure de la double hélice d’ADN. Débuté en 2010, il aura fallu 10 ans pour venir à bout de ce chantier monumental. Selon l’architecte, la construction a émis 50 % d’émissions carbone en moins que celle d’un bâtiment classique. Et pour cause, la tour ne contient pas un gramme de béton, l’un des matériaux les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
« La tour est construite en acier ultra-performant, avec des doubles planchers dotés d’une structure hyper résistante en nids d’abeilles (que l’on retrouve notamment dans les avions Airbus). Globalement, nous consommons un minimum de matière pour baisser le bilan carbone de nos constructions. De plus, la tour est recouverte de matériaux biosourcés naturels », poursuit l’architecte, invité d’honneur de la biomimexpo de Paris.
Un airco naturel inspiré des termitières
En son centre, une immense cheminée à vent. Celle-ci, construite selon les principes des termitières, permet de se passer quasi complètement de ventilation mécanique, c’est-à-dire de climatisation. Une révolution dans le climat tropical qui règne à Taiwan.
« De l’air chaud, environ 40°C, et humide, est prélevé à l’extérieur. On le fait passer sous les fondations, dans des cheminées à vent, afin qu’il rentre en contact avec l’inertie thermique de la terre qui affiche une température constante de 18°C toute l’année. Par ce processus, l’air passe de 40°C à 26°C sans avoir dépensé un seul kilowattheure d’électricité. Il est ensuite injecté dans les appartements. »
« Ceux-ci profitent également de l’évapotranspiration des plantes. Elles diminuent la température ressentie de 3 à 5 degrés. Même dans une région tropicale, on peut avoir un bâtiment passif qui ne consomme aucune énergie », assène l’architecte biomiméticien.
Traitements des eaux grises in situ
Cette tour intègre également du bon sens. Les cages d’escalier, les cages d’ascenseur et les parkings sont éclairés par la lumière naturelle et ventilés tout aussi naturellement.
« Des canopées solaires de 5000 m2 produisent 100 % de l’électricité nécessaire pour éclairer toutes les parties communes de la tour. Aussi, des lagunes de phyto-épuration recyclent sur site les eaux grises provenant des douches ou des lave-vaisselles des appartements. Après en avoir ôté les éléments gras, cette eau sert à irriguer la végétalisation verticale. »
Une tour transformable à l’infini
Dans cette tour, rien n’est figé, tout est modulable. « A partir du moment où on a des plateaux sans murs, sans points porteurs, sans colonnes, sans gaines, on peut imaginer 1001 possibilités d’aménager, de transformer son appartement, au fur et à mesure de l’évolution de la cellule familiale. »
« On peut aussi imaginer, sans travaux, de transformer un immeuble à appartements en immeuble de bureaux. L’astuce, c’est d’utiliser des doubles planchers qui abritent toute la plomberie (eau propre, eaux grises, eaux usées), les câblages essentiels aux technologies de l’information et de la communication. Et ce, afin de faire en sorte que les salles de bains et les cuisines soient des boîtes à roulettes que l’on peut venir brancher n’importe où sur le plancher », poursuit Vincent Callebaut.
Drapeau belge à l’exposition universelle de Dubaï
C’est encore le nom de Vincent Callebaut qui retentit lorsqu’il s’agit de la conception du pavillon belge de la prochaine exposition universelle qui se tiendra à Dubaï dès 1er octobre 2021. « Ce sera un jeu meccano géant. Ce bâtiment intégrera toutes les règles de l’économie circulaire. Il s’agit d’un chantier mixte construit en acier et en bois massif entrecroisés. »
« En forme de pont, le bâtiment crée une immense agora naturellement ombragée, pour protéger les visiteurs du soleil. Il est aussi orienté d’est en ouest afin que l’agora soit naturellement ventilée. Les grands balcons végétalisés, en plus d’agrémenter les vues vers l’extérieur, feront profiter les visiteurs des bienfaits de leur évapotranspiration. »
Le chantier sera réalisé main dans la main avec le constructeur de la Burj Khalifa, la plus haute tour du monde.