Représentation d'artiste du disque protoplanétaire © NASA

Horizon 2061, et l’eau dans tout ça ?

28 février 2024
par Joffrey Onckelinx
Temps de lecture : 5 minutes
“Planetary Exploration Horizon 2061”, par M. Blanc, P.W. Bousquet, V. Dehant, B. Foing, M. Grande, L. Guo, A. Hutzler , J. Lasue, J. Lewis, M. Perino et H. Rauer. Editions Elsevier. VP et VN 115,50 euros

Quels seront les contours de l’exploration future du Système solaire ? Le livre « Planetary Exploration Horizon 2061 », est le résultat d’une réflexion collective de chercheurs autour de cette question. Il s’intéresse aux aspects techniques et aux grandes interrogations scientifiques soulevées par cette thématique.

L’année 2061 a été choisie en l’honneur du centenaire du premier vol spatial habité (par Gagarine, en 12 avril 1961) et du prochain passage de la comète de Halley (le 28 juillet 2061).

« C’est un travail énorme qui s’est appuyé sur plusieurs ateliers et qui a rassemblé des spécialistes dans toute une série de matières. C’est une bonne chose, car quand on « brainstorm » avec des experts de plusieurs disciplines, cela permet de faire ressortir certains grands objectifs. Le livre voyage à travers la science, celle des planètes et des exoplanètes, en passant par les instruments et le spatial… c’est vraiment intéressant », commente Pre Véronique Dehant, planétologue à l’Observatoire Royal de Belgique et participante au projet.

Exploration du Système solaire

L’ouvrage se segmente en plusieurs chapitres, chacun traitant un pan de la réflexion concernant l’exploration spatiale. Bien que passionnants, nous ne nous intéresserons ici qu’au chapitre III. Celui-ci se penche sur l’exploration de notre Système solaire pour répondre à certaines grandes questions scientifiques. L’idée est de permettre d’inférer certaines lois applicables aux autres systèmes via l’observation du nôtre.

« On a voulu essayer de voir dans quelle direction on pouvait aller dans notre Système solaire, et quelles étaient les synergies entre les observations des différentes planètes, les méthodologies qu’on utilise », précise Pre Véronique Dehant.

Parmi les points mentionnés dans ce chapitre, un petit paragraphe, presque insignifiant au regard du reste, a attiré notre attention. Celui-ci concerne la question des habitats pouvant potentiellement abriter la vie ailleurs que sur Terre. Celui-ci préconise de tracer les différents « flux » d’eau dans l’espace afin d’identifier les réservoirs existants et de comprendre leur contribution à l’apport en eau des lunes et des planètes. Bien que limitée dans ce livre, intéressons-nous brièvement à cette question passionnante qu’est le voyage de l’eau dans l’espace.

Comment l’eau, se forme-t-elle dans l’espace ?

Loin d’être anecdotique, l’eau (H2O) est présente en énormes quantités dans l’Univers.

« L’hydrogène est très abondant, parce que c’est le gaz primordial qui vient du Big Bang. Quant à l’oxygène, second élément chimique constitutif d’une molécule d’eau, il est synthétisé et produit dans les étoiles lors des réactions thermonucléaires. Quand certaines étoiles explosent, elles envoient ces matériaux dans l’espace. Ces atomes d’hydrogène (H) et d’oxygène (O) étant très réactifs, il en résulte la formation de molécules d’eau», explique Dr Alessandro Morbidelli, planétologue à l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Le voyage de l’eau dans l’espace

L’eau dans l’espace existe sous forme de glace ou de gaz (la forme liquide étant réservée aux planètes et lunes, pression oblige). Pour essayer de comprendre le voyage qu’elle a entrepris, il faut remonter aux débuts de notre Système solaire, lorsque celui-ci n’était encore qu’un disque protoplanétaire.

Dans la partie intérieure du disque, l’eau est présente sous forme de vapeur. Au contraire, la partie extérieure du disque, située plus loin du Soleil, est plus froide et l’eau s’y trouve sous forme de glace. Mais, si la vapeur ne peut être accrétée (c’est-à-dire captée et agglomérée sous l’effet de la gravitation, NDLR), comment expliquer la présence d’eau sur Terre, pourtant formée dans le disque intérieur ?

On pensait que les météorites carbonées (aussi appelées chondrites carbonées) constituaient la principale source d’eau de la Terre. Mais en 2020, il a été découvert que l’un des principaux matériaux d’accrétion de la Terre, à savoir les chondrites enstatites, contenaient de l’hydrogène.

« Donc, en accrétant ce matériau, la Terre accrète aussi de l’hydrogène. Et celui-ci peut réagir sur Terre en se combinant avec l’oxygène qui, lui, se trouve dans les silicates. Ce faisant, on obtient de l’eau. Aujourd’hui, on pense qu’à peu près la moitié de l’eau sur Terre provient de ce processus », explique, enthousiaste, le Dr Morbidelli.

Et d’ajouter : « si la moitié de l’eau présente sur Terre provient de la synthèse de l’hydrogène et de l’oxygène issus des matériaux locaux (les matériaux ayant menés à la formation de la planète, NDLR), alors avoir de l’eau sur une planète est un phénomène beaucoup plus général (puisque cela ne dépend pas uniquement de l’apport aléatoire en météorites carbonées, mais résulte aussi de la synthèse des matériaux présents dans le disque d’accrétion, NDLR) ! » Une idée qui a son importance, en exobiologie notamment, puisque cela implique que l’eau est présente de façon beaucoup plus commune dans les autres systèmes et que la présence d’eau sur Terre n’est pas une singularité dans l’Univers.

Chondrite enstatite © Christine Fieni / Laurette Piani / CNRS

Les lunes océans de Saturne et Jupiter

Mais si l’eau a pu apparaître de cette façon sur Terre, les processus en œuvre dans le disque extérieur sont différents. En effet, située plus loin et donc dans une région plus froide, l’eau y est présente sous forme de glace. Une forme qui, au contraire de la vapeur d’eau du disque intérieur, est très facilement accrétable.

« La glace, de par son aspect solide, s’accrète comme le ferait la roche (c’est-à-dire qu’elle s’agglomère sous l’effet de la gravité générée par sa masse, NDLA). À peu près la moitié de la masse solide de ces lunes est donc faite d’eau. Et l’autre moitié est faite de roches. C’est très différent de la Terre où l’eau ne représente même pas 0,1 % de sa masse », ajoute le planétologue.

Une exploration qui continue

Le livre Horizon 2061 trace la voie de ce que sera l’exploration spatiale future. Citons l’étude de Neptune, dont on remarque de plus en plus les caractéristiques communes avec des exoplanètes. Mais aussi l’échantillonnage des Troyens, dont aucun fragment ne nous parvient, Jupiter ayant éjecté ces astéroïdes hors de notre Système.

Les prochaines missions spatiales pourront profiter de la grande diversité de notre Système solaire pour nous permettre de comprendre, avec toujours plus de finesse, notre Univers.

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