Une étude établit le « Top 50 » des plantes éteintes à ressusciter

29 janvier 2024
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

Si ramener à la vie des animaux disparus est un concept étudié et débattu depuis longtemps par le monde scientifique, celui de le faire pour des plantes n’est discuté que depuis peu. En vue d’encourager la recherche sur le sujet, une équipe internationale, incluant le Jardin botanique de Meise (près de Bruxelles), vient de proposer la toute première liste de végétaux éteints candidats à la désextinction, en se basant sur la disponibilité des graines collectionnées par les institutions scientifiques du monde entier.

Une idée jugée impossible

La raison pour laquelle peu d’études se sont penchées sur la désextinction des plantes est simple : il y a encore quelques années, on ne pensait pas cela possible. « Les herbiers détenus par les institutions contiennent, par définition, du matériel végétal mort. Il y a rarement des graines associées aux échantillons, et encore moins viables, principalement en raison de la désinfection des échantillons à leur arrivée, ou encore de l’humidité ambiante du lieu de stockage », fait savoir Sandrine Godefroid, chercheuse en conservation des plantes au Jardin botanique de Meise et participante à l’étude.

Il y a une dizaine d’années, le Jardin botanique de Meise a néanmoins voulu tenter l’expérience, en essayant de faire germer des graines de 26 espèces éteintes en Belgique conservées dans son herbier. Et, contre toute attente, les scientifiques sont parvenus à faire pousser l’une d’elles, alors même que les graines associées étaient vieilles de plus de 100 ans ! « On a clairement été surpris par ces résultats, qui suggéraient que la germination de graines provenant d’échantillons d’herbiers était bel et bien possible », indique la Dre Godefroid.

Depuis lors, elle et son équipe ont notamment réussi à ressusciter une espèce de graminée qui avait disparu de nos contrées depuis 1935 : le brome des Ardennes.

Exemple de graines conservées © Jardin botanique de Meise

Un classement pour guider la recherche

Afin d’inciter les scientifiques à davantage étudier le sujet, une liste de plantes à graines sur lesquelles les chercheurs devraient se focaliser en priorité a été établie. Un inventaire réalisé dans le cadre d’un projet mené à l’Université de Rome III (Italie), en collaboration avec 32 institutions.

« On a, tout d’abord, listé toutes les espèces éteintes à l’échelle mondiale, à l’aide de ressources en ligne, et sur base des listes rouges nationales. On a ensuite identifié les institutions qui conservaient ces espèces, en consultant les collections qui avaient été digitalisées. Puis, on a vérifié quels herbiers comportaient des graines viables de ces végétaux », explique la Dre Godefroid. « En définitive, sur les 361 espèces éteintes que l’on a recensées dans le monde, on a trouvé des graines pour 161 d’entre elles, dans plus de 60 herbiers ».

Sur ces 161 espèces, les chercheurs ont finalement sélectionné les 50 présentant le plus de chance d’être ramenés à la vie, en prenant en compte plusieurs variables (l’âge de l’échantillon, la longévité de la graine en température ambiante, etc.). En première position, on retrouve ainsi le Leucopogon cryptanthus Benth, une espèce de buissons de la famille des Ericaceae originaire d’Australie.

Echantillons des herbiers conservés au Jardin botanique de Meise © Jardin botanique de Meise

Un gain pour la biodiversité

Pour l’heure, cette liste reste théorique. Il revient donc aux botanistes de vérifier dans quels habitats vivaient ces espèces, et si ces derniers existent toujours. Ce qui est une condition essentielle pour réintégrer à l’environnement des espèces éteintes. Les futures recherches sur le sujet devront aussi déterminer les protocoles permettant de déclencher la germination de ces graines, selon leurs exigences écologiques respectives (la quantité d’eau nécessaire, l’ensoleillement, la température ambiante…).

Le retour de ces espèces peut s’avérer utile pour la biodiversité, en encourageant la venue d’animaux liés à ces plantes, comme des pollinisateurs. « Dans le contexte de restauration d’un écosystème, ça peut avoir du sens. Par ailleurs, les plantes listées dans l’étude n’ont disparu que depuis quelques décennies. Leur habitat est donc susceptible d’encore exister.»

Sandrine Godefroid rappelle néanmoins que cette méthode ne doit pas être vue comme la solution aux problèmes de perte de biodiversité. Les efforts pour protéger les espèces en voie d’extinction doivent ainsi être poursuivis. « Ressusciter des plantes éteintes n’est ni normal, ni naturel. Ce n’est pas parce qu’on est capable de le faire, qu’il est nécessairement souhaitable de le faire. L’unique et bonne manière de conserver les plantes encore existantes reste de protéger la nature. »

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